vendredi 31 décembre 2010

Les citronniers de Nekmarya



En ces vacances d'hiver, la correction des épreuves de culture générale, mais néanmoins agronomique, dans les 2 langues et près de 400 fois, m’a pratiquement cloué à la maison. C’est ma collègue Malika Boualem, l'entomologiste, qui m’a permis d’aller prendre l’air. Ayant reçue deux amies venues de France, Claire Villemant (http://www.eyrolles.com/Sciences/Livre/portraits-d-insectes-9782020590969?PHPSESSID=) et Fatma Hérouali, elle m’a sollicité pour leur faire découvrir une petite facette du Dahra. Avec ma fille, nous étions donc 5 à l’intérieur du cockpit de la Clio familiale. Départ en fanfare en direction de Chaâïbya dont nous contemplons la merveilleuse plage depuis le phare de Cap Ivi. Ce lundi matin, en ce décembre finissant, la mer virait du turquoise au bleu de Prusse – plus à l’ouest, on dirait «  Bleu Laârache- en moins éclatant. Car il n’est pas question ici de comparer les plages boueuses et capricieuses de l’Atlantique avec la splendide mer intérieure. Séance de photos sous un vent du Sud plus froid que jamais puis départ en direction de Ouillis- Honneur à Benabdelmalek Ramdane, héros sans pareil, puisque le premier des "22 historiques" à tomber sous les balles « amies » non loin du douar Ouled Larbi, là où on ne vend que du sable, y compris en défonçant l’une des plus belle et des plus anciennes forêt de pins et surtout de genévriers de Phénicie- que nous contournons juste pour voir les serres de l’Ami Mansour – le Maire le plus cool de la décennie noire, qui sauva l’honneur de la tribu, sans plus- où de jeunes berbères (de Damous ou de Gouraya) travaillent la terre à l’ancienne sans rien renier des techniques les plus avancées que beaucoup d’agronomes ne connaissent pas encore- il faut leur donner le temps !- pour nous retrouver au carrefour de la ferme Monsénégo (voir sur la toile), là où la première balle de Novembre fut tirée ! Puis la RN11 se fera plus agressive, entre Benabdelmalek Ramdane et sidi Lakhdar, on avait plus de budget, donc on a sauté ce passage de 11 km, du coup, on se replonge dans la période coloniale, avec une chaussée étroite et cahoteuse. Sidi Lakhdar est vite traversé comme un vrai embouteillage algérois, c'est-à-dire dans un insupportable désordre. Une si belle et si accueillante cité, transformée en un insupportable bidonville digne de Calcutta, fallait oser ! Heureusement qu’à la sortie vers Khadra, El Ghoul a bien fait les choses puisque la RN11 ressemble enfin à une route de Picardie. Ce sont les dames assises à l’arrière qui le soutiennent ; comme j’ai pris le plis de ne croire qu’aux femmes, -pas uniquement à cause de ma mère-, je me fais un plaisir de les approuver sans faille. Le macadam se faisant plus clément, la forêt de Dadès se laisse traverser avec délice, c’est ici que commence le territoire des Frachih. Car en bas du plateau de Dadès, sur la rive gauche de l’oued Zerifa, un peu à l’intérieur des terres, se trouve le site des grottes du Dahra (vite internet!), là où le sanguinaire colonel Pelissier – il sera fait maréchal, c’est qu’il a bien mérité de la république !- fera étalage de son talent génocidaire en enfumant une nuit durant, la tribu et les attributs des Ouled Ryah. C’était durant la sinistre nuit du 18 au 19 juin 1845. Grâce il est vrai à la généreuse sollicitude du Caïd de Nekmarya, qui se verra offrir un domaine de 50 hectares sur les terres des Frachih qui n’avaient strictement rien à voir. A part de s’être installés près des grottes de Ghar el Frachih que les Ouled Ryah allaient utiliser comme refuge, fuyant les troupes « civilisantes » de Bugeaud, sous les ordres de Pélissier !
Détour très instructifs par Ouled Boughalem, là où, au tout début du 19ème siècle, nait un certain Benabdallah Boumaza. L’homme à la chèvre, c’est tout ce que l’histoire officielle retiendra de lui. Pourtant, ce digne et fier fils du Dahra, fougueux soldat dans les troupes de l’Emir Abdelkader, ne se résignera pas lorsque l’aura de son chef commençait à décliner. Bien au contraire, c’est son jeune officier qui lèvera des troupes et qui mettra à mal les armées coloniales, embrasant toute la région du Dahra. Ce que Bugeaud, devenu Gouverneur Général pour sévices avérés sur les populations autochtones n’acceptera pas, ordonnant à Pelissier, Cavaignac et St Arnaud à écraser par tous les moyens cette révolte inattendue. Le summum de l’horreur sera atteint dans la grotte de Ouled El Frachih, non loin de Nekmarya. 

Où nous arrivons à 15 heures tapantes. Après avoir traversé le douar Doualya – tribus des Dali ?- nous arrivons à l’entrée de Nekmarya et nous arrêtons au niveau de la station service des Hammoudi. Le père ayant émigré en France durant les années 60, -ses enfants, dont mon fidèle ami Mohamed, sont tous nés et ont grandis à Limoges- est retourné au bled pour y investir ses moindres économies. Pendant que le fils s’affaire à faire le plein à un fellah du coin, le père supervise la station de lavage, de l’autre coté de la bâtisse. Là où commence le jardin où un ouvrier tente de retourner la terre sans trop y croire. Sanglé dans une superbe tenue traditionnelle, les yeux pétillants et le geste ample, le maitre des lieux nous accueille sans fioritures, ni clinquant. Le verger de pommiers ainsi que quelques pieds de vignes attendent une taille bienfaitrice qui se fait désirer. Puis au moment de quitter nos amis pour aller voir le barrage du Kramis qui ne sert toujours pas à grand-chose malgré une réserve de 25 millions de M3, nos remarquons la présence de deux citronniers. Avec beaucoup de citrons, de toutes les couleurs et de toutes les tailles. Normal pour un « 4 saisons » ! Mais en plein hiver, ployant sous ses fruits pendant que des importateurs avisés le ramènent d’Espagne avec plein de cire autour ! Je me hasarde à récolter un fruit, suivis par le propriétaire qui se met de la partie, rapidement, toute la délégation se pare aux couleurs et surtout aux odeurs du citron sans fard et sans cire. L’arbre généreux à en rougir continue de nous abreuver de cet arôme si particulier. Peu de gens connaissent cette odeur sauvage des citrons. Surtout celle des citronniers de Nekmarya, à 10 km du rivage de Sidi Laadjel/port de Menard.
A plus de 100 mètres d’altitude. Sur ces terres arides où les marnes se laissent attendrir par les pluies printanières, un fils du bled est revenu depuis Limoges pour apporter le confort et surtout le réconfort à ses semblables. Jusqu’à offrir de vrais citrons sans insecticides et sans cire de maquillage à ses visiteurs.
  S’il fallait garder une image de cette virée dans le Dahra, sur les traces deBenabdallah Boumaza  et de Benabdelmalek Ramdane, en souvenir des années de souffrances et de bravoure, ce sont ces deux citronniers aussi généreux que leur propriétaire. Comme quoi, parfois, le bonheur surgit de là où l’on s’y attend le moins.

samedi 25 décembre 2010

Éclairages sur le 20 Aout 55


 Ci dessous le message que vient de me faire parvenir l'historienne Claire Mauss-Copeaux, la plus intrépide historienne des massacres du 20 aout 55, dans le Nord Constantinois. Son dernier ouvrage arrive au bon moment pour rappeler aux états Algérien et Français que nous sommes de plus en plus nombreux à lutter contre l'amnésie qui frappe depuis 55 ans ces douloureux évènements et ce que furent ces jours de terreur.  Ce cadeau est sans doute le plus beau et le plus utile, car pour ce qui me concerne, -bien que ne l'ayant pas encore lu- il n'est que le début d'une réhabilitation que les deux pays - pour des raisons différentes ou convergentes (?)- continuent d'ignorer. Deux jours après "Fraicheurs de Novembre" (voir infra) le message de Claire Mauss-Copeaux vient à point nommé remettre les pendules à l'heure. 
Merci infiniment Claire


“Le 20 août 1955 en Algérie, insurrection, répression, massacres”, Payot-Rivages, 2010, 260 pages, 22 euros, disponible en librairie courant janvier 2011. (Les exemplaires offerts par l'éditeur sont réservés à mes interlocuteurs algériens.)
Après Jean-Pierre Peyroulou qui a fait la lumière sur les événement de Guelma en mai 1945, Claire Mauss-Copeaux a entrepris de défricher une autre période de la guerre d’Algérie, celle des événements d’août 1955 dans le Constantinois.
Fautes d’archives aisément disponibles, l’événement n’avait pas été étudié par les historiens. Claire Mauss-Copeaux a mené sa recherche en croisant les informations apportées par des documents du Service historique de la défense et par les publications de l’époque. Elle a rassemblé et analysé des récits d’acteurs, de témoins et de survivants. Elle a longuement arpenté les lieux où se sont déroulées l’insurrection et la répression. Tout en replaçant l’événement dans son contexte, elle éclaire les zones d’ombres, sources des rumeurs les plus folles Au terme d'une enquête minutieuse, elle apporte des informations inédites à propos des deux massacres d’Européens. Elle révèle également une partie des massacres d’Algériens perpétrés par les “forces de l’ordre”françaises.

 
La violence de la guerre coloniale apparaît dans toute son horreur. Mais il n'y a pas de fatalité, ce sont bien des hommes qui sont à l'origine et au cœur de la tragédie qu’elle analyse.
"

Voici également ce qu'en dit la Ligue des Droits de l'Homme de Toulon:
L'insurrection du Nord-Constantinois, le 20 août 1955, est un moment important de la guerre d'Algérie. Ce jour-là, une trentaine d'agglomérations de la région de Philippeville ont été attaquées de façon simultanée. La répression qui s'ensuivit fut terrible... Claire Mauss-Copeaux vient de terminer une recherche sur ces événements qui n'avaient jusqu'à présent pas été analysés par des historiens. Le résultat de son travail fait l'objet d'un livre qui sera disponible en librairie en janvier 2011. http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article4153

El Watan du 27/12 revient sur la sortie du livre, sous le titre:

"Le 20 août 1955 en Algérie, insurrection, répression, massacres de Claire Mauss-Copeaux"

voici le lien:

vendredi 24 décembre 2010

Fraicheurs de Novembre


La première balle est-elle retombée?
Il y a des jours où la vie s’arrête. En ce 22 décembre, au douar Ouled El Hadj, il y avait foule. Ce matin, au niveau du vieux cimetière, on saluait le combat d’un brave du coin, tombé au champ d’honneur le 22 décembre 1954, soit à peine 52 jours après le début de la guerre d’indépendance. Et seulement 48 jours après la mort de Benabdelmalek Ramdane. C’est dire qu’ici, le déclenchement de la lutte armée n’est point un vain mot. Oui, je sais que de toutes parts, on tente bien futilement de s’accaparer la première balle, comme si les autres balles n’ont eut aucun impact sur la poursuite et sur l’issue de la guerre. Moi qui suis né et grandis à l’ombre de Sidi Ahmed, le marabout qui domine la vallée du Béni Mélek et qui surplombe majestueusement la ville de Skikda, qui fut le théâtre de la première grande offensive de l’ALN, je me sens tout à fait en droit de dire que c’est ici, dans cette région du Dahra, entre Ouillis, Bosquet et Sidi Ali, que la guerre d’Algérie a pris son envol pour ne jamais s’estomper. C’est un digne fils de la région, Amor Brodji, qui a permis l’organisation de plusieurs groupes, qui, durant la nuit de la Toussaint, un peu plus tôt que les autres valeureux combattants de la Mitidja, des Aurès et du Djurdjura, ont tiré les premières salves de Novembre. Il était donc écrit que je serais de ce 56ème anniversaire de la mort aux cotés de son neveu Kaddour du chahid Amor Bordji, celui qui durant toute sa vie n’aura qu’un seul objectif : rendre à l’Algérien sa fierté, son drapeau et sa terre. En cette nuit pluvieuse du 21 décembre 1954, 52 jours après l’insurrection, 48 jours après la mort de Benabdelmalek Ramdane – qui fut le premier membre des 22 à tomber les armes à la main-, ce sont les traces de pas laissées sur la terre mouillée par son neveu Kaddour, qui mèneront les supplétifs de l’armée française, renforcés par des soldats et des gendarmes, vers le refuge de Amor Bordji. Encerclés de toutes parts, ils ne se rendront pas et tomberont au champ d’honneur dans cette grotte qui surplombe la majestueuse vallée du Cheliff, non loin du douar Ouled El Hadj. 



Ce matin, 56 ans après, de la montagne voisine, de toute la région du Dahra, de Mostaganem, ils sont venus. Emmitouflés dans leur djellaba, les derniers résistants n’ont rien oublié. Plus démunis et plus nombreux étaient les enfants de chouhada. A l’intérieur du cimetière, un groupe de scouts et un grand nombre d’écoliers, dont certains en très bas âge qui se faufilaient avec délicatesse à travers les tombes des martyrs. Un groupe de jeune tenaient chaleureusement une gerbe de fleur.

« Kassamen » résonne dans les collines
Comme lors de la première fois, le temps est couvert et quelques gouttes se sont même hasardées à taquiner les présents. Un groupe de jeunes journalistes entourent le député Becheikh, qui est une véritable mémoire vivante. A ses cotés, une dame qui avait beaucoup de peine à cacher son émotion. Elle parle de son père et de son combat. Responsable d’une association caritative très engagée au niveau de Mostaganem, elle ne pouvait rater ce moment de recueillement sur la tombe de son propre père et sur celle de la centaine de martyrs que compte la commune de Benabdelmalek Ramdane. Ici tous le monde reconnaît la fille unique de Amor Bordji, c’est elle qui la première, salue avec déférence la délégation que préside le Wali de Mostaganem.
Une section de gendarmes, en tenue impeccable rend les honneurs. Deux jeunes pandores se délestent alors de leurs casquettes, et procèdent minutieusement et dans un silence parfait à la levée des couleurs. Une fois le drapeau à mi- mât, une sono que personne n’avait remarquée lâche « Kassamen », hymne national que ni Bordji, ni Benabdelmalek n’ont connus, comme d’ailleurs tous les martyrs tombés avant son officialisation. Pour ma part, servitudes obligent, je continue de prendre des photos. Mais c’est bien la première fois que j’entends « Kassamen » sur cette colline oubliée où dorment plus de 100 martyrs. C’est aussi la première fois que j’ai vivement regretté que l’on arrête au premier couplet. C’était certainement l’unique lieu et l’unique instant où, moi, une vieille pupille de la nation, je me sentais en phase avec cette cérémonie et j’aurai voulu que « Kassamen » soit exécutée en boucle ! Car devant moi, s’étalaient dans toute leur splendeur, les vrais héros de l’Algérie moderne et indépendante. A coté d’eux, nous n’étions que des lilliputiens agités. Dignes et souvent anonymes, ils semblaient ricaner dessous leurs tombes. Même « Kassamen » ne leur parvenait pas à leur soutirer le moindre souffle que celui du vent frais qui balaye la colline. Impressionnant hommage que celui du 56ème anniversaire de la mort de Amor et Kaddour Bordji. Seul le jeune imam se hasardera à faire une brève biographie des héros que nous sommes venus célébrer. Dommage que pour eux qui ne l’ont jamais entendu, l’hymne national ait été écourté. Peut être que pour le 57ème anniversaire…..inchallah.

lundi 20 décembre 2010

"Je suis pied-noir, j'ai vu le film de Jean-Pierre Lledo et je réponds à Aziz Mouats"


Par
Marie Claude San Juan
Le Matin : 10 - 02 - 2008
C'est très étrange que vous vous sentiez trahi, professeur Aziz Mouats. Et cela me donne envie de vous répondre. Car vous exprimez, dans le film, beaucoup de choses qui correspondent à ce que vous dites là, dans cet entretien. Je me demande si le débat douteux qu'il y a autour du film n'a pas provoqué cette impression de trahison. J'ai trouvé, pour ma part, que tout le passage où vous interveniez était douloureux, au sens où, justement, l'histoire de votre oncle, et la vôtre, tout ce témoignage, cela faisait passer un message nettement indépendantiste, nettement tragique, concernant les luttes et les souffrances endurées, les déchirements, la guerre. Rien dans tout cela n'édulcore quoi que ce soit, rien. Au contraire, vous apparaissez comme un témoin d'une histoire terrible, un visage qui pourra rester dans la mémoire du monde, comme celui d'un Algérien torturé par un drame révélateur d'un moment de l'histoire algérienne. Je pense vraiment que les spectateurs s'identifient à vous et sont, alors, en empathie avec les Algériens, et non dans l'effacement des crimes des uns pour le déni des réalités autres. Cependant le but du film étant de témoigner des fraternités aussi, le couple qui a protégé pendant une période témoigne pour lui-même, pas plus. Exemple et trace de ces fraternités et de la complexité des postures et positions... Je ne sais comment on pourrait dire à un personnage réel, une personne, qui témoigne sur plusieurs moments et ne les retrouve pas tous, que c'est toujours le cas : on ne se retrouve jamais quand on est traduit. On croit être trahi mais on ne le serait que si les spectateurs ne recevaient pas le message essentiel qu'on voudrait faire passer. Or le message passe, que vous puissiez le croire ou pas. Et la vérité. Une vérité, car ce n'est jamais, forcément, qu'une vérité fragmentaire faite de morceaux à mettre bout à bout, en les reliant aux autres films, et pas seulement à ceux du cinéaste, mais à tout un tissu de réalisations, qui font la trame de la perception totale de ce qui fut. Dans ce tissu de films portant témoignage je mets aussi, par exemple (mais pas seulement), « Cartouches gauloises », film sur la guerre vue par un enfant, œuvre qui m'a touchée, ou «Pieds-Noirs, histoires d'une blessure », documentaire sur l'exil et ses douleurs... Et je mets aussi des films que j'aime moins, ou même d'autres que je n'aime pas du tout ou ne supporte pas. Là, vous donnez un visage à l'Algérie de votre oncle, un visage. Et à votre oncle le plus bel hommage qu'il pourra jamais trouver dans un film. Une existence d'une force insoupçonnée. En voyant le film je me disais que j'aurais aimé pouvoir vous parler. Et autour de moi les spectateurs, Algériens ou pas, pleuraient sur cette tragédie d'une mort gardant sa part de mystère, mais étant la mort de quelqu'un pour un avenir qu'il voulait autre. Comment le dire? Si on voit dans le passé une guerre qui fut aussi une guerre civile, si on essaie de ne pas regarder notre histoire en ne retenant que ce qui était nôtre, chacun dans sa communauté, on peut alors accepter que dans une œuvre la réalité soit complexe et que dans cette œuvre des aspects nous dérangent, y compris dans ce qui nous concerne, y compris dans la traduction de ce que nous avons voulu dire de nous-mêmes. Pour moi, née en Algérie, mais vivant en France depuis l'adolescence, et ayant observé la réalité avec mes yeux d'alors, et les adultes avec cette lucidité douloureuse de l'enfance, je pense que toute représentation me trahit toujours un peu. Ou me blesse. Même quand elle montre ce que je sais vrai, mais n'accepte pas de devoir laisser définitivement dans cette réalité passée, qu'on ne peut plus changer. Je regarde les témoignages à partir de mon identité (« Pieds-Noirs », dit-on). Forcément d'abord à partir de mon identité, dans cette connaissance et ce souci des miens. (Mais qui sont les miens ? Il y a un moment où cette notion bascule. Miens les autres. Autres les miens. Je ne suis pas « que » cette identité.). Si cela bascule et ouvre la conscience, c'est justement grâce à des films comme celui-ci, qui font entrer en empathie avec des êtres dont les vécus et les choix furent parfois loin de nous. Et trop montrer, trop raconter, ce serait un obstacle à ces prises de conscience, à ces bouleversements du spectateur. (Vous regrettez l'absence de certains moments ou témoignages, mais peut-être qu'ils auraient eu l'effet contraire, qu'ils auraient empêché de recevoir l'essentiel de « votre » témoignage. Pour moi, c'est mieux ainsi. On comprend autrement, on entre dans votre parole et votre émotion, on intègre ce qui est montré et dit.). Je parlais du visage que vous donnez à voir, sans image bien sûr, par les mots, à travers ce portrait fait de votre oncle. Mais le vôtre aussi compte beaucoup, et donne une épaisseur et une présence, par l'image et la voix. Ce n'est pas trahi, puisque c'est.

mercredi 15 décembre 2010

Le LMD et l'Orphelinat

Les pupilles de la nation se souviennent, non sans douleurs, comment ils apprenaient de manière insidieuse la disparition de leur papa, tombé au champ d'honneur.
L'administration coloniale l'avait remplacé par un tuteur. En agriculture, les jeunes pousses s'accrochent avec ardeur à un tuteur dont la fonction consiste à les protéger contre les vents violents et surtout à les élever aussi droit qu'une règle. Cette assistance à plantule en croissance permet de franchir sans encombres les premières années de la vie. En principe, dès la vie adulte, le tuteur n'a plus sa raison d'être. Sauf dans le cas de persistance de la vie infantile. D'où la notion d'éternel assisté qui sied parfaitement aux peuples immatures. Avec l'intrusion du système LMD que certains voudraient généraliser à l'université algérienne sans jamais l'avoir éprouvé, on assiste au retour du tuteurage dont la nouvelle mouture consiste à affecter un groupe d'élèves à la garde d'un enseignant. Premier couac, les tuteurs n'ont aucune notion de leur nouvelle fonction. Souvent les néo tuteurs s'avèrent être dans le besoin. Car un tuteur doit nécessairement avoir les pieds bien ancrés dans le sol, sinon il pencherait à la moindre brise. Second couac, un tuteur devrait avoir un local pour y exercer sa nouvelle science. Consacrer les après-midi au tuteurage nécessite des locaux que les tuteurs n'ont pas. C'est pourquoi, l'opération est en train de tourner court. Sauf pour les affidés à la carotte qui, comme chacun sait, n'est qu'une vulgaire racine coiffée d'une touffe d'herbe. Juste de quoi humer le vent et faire courbette. Un peu à l'image du LMD. Sans tuteurs confirmés, il aura juste droit à l'orphelinat et des tuteurs de remplacement.

Chronique parue dans El Watan du 14 - 11 - 2007

mardi 14 décembre 2010

La trahison de trop

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 «Dos à dos» est une expression qui symbolise une singulière prestation de laquelle il ne sortira ni vainqueur, ni vaincu ; autant dire sans gloire et sans panache.
S’il s’était agit d’un vulgaire match de football que les protagonistes auront malencontreusement tronqué devant un public peu regardant, l’affaire aurait été entendue. Il ne s’agit même pas d’une banale altercation larvée entre deux bandes d’adolescents en mal de virilité, ni d’une inutile bagarre de chiffonniers. L’affaire concerne toute une filière dont le chiffre d’affaires peut parfois atteindre 1 milliard de dollars. En assurant annuellement à chacun des 33 millions de citoyens pas moins de 45 kg de patates, la filière de la pomme de terre est devenue sans doute la culture la mieux pratiquée par nos fellah. Cependant, ce tubercule n’a qu’un seul défaut, son extrême sensibilité au Mildiou. Pendant que les firmes proposent une large série de parades – depuis une multitude de fongicides jusqu’à la production de plants résistants-, nos braves paysans éprouvent les pires difficultés à asseoir une stratégie de lutte. Tout ceci en l’absence sidérale des universitaires. Y compris à l’ère du LMD triomphant censé rapprocher la science des préoccupations citoyennes. Réunis récemment à Tipaza, les pontes de la recherche agronomique se sont tout de même entendus sur une révision de la Constitution. Il parait que c’est très bon pour le statut quo. Pour le mildiou, faudra attendre le passage du facteur. Dans ce dos-à-dos mortel entre les universitaires et les redoutables champignons, il y a malheureusement place pour la trahison des scientifiques. Lorsqu’un sujet d’une aussi intense actualité ne mobilise personne dans la communauté universitaire, il y a de quoi désespérer.

Boussayar


Chronique publiée dans El Watan du 05/03/2008

dimanche 12 décembre 2010

Ghrib Elektroniks contre SAG



Oui ! Ça ressemble à un groupe de musique, ça ne fait pas de bruit mais quelle vague !
Quelle souffle et à quel rythme ! Franchement pendant deux heures, les plus courtes de ma vie ! nous étions une bonne cinquantaine venus à l’invitation de Med Bahloul, au siège de son institut, en plein cœur du vieux Canastel, parce que plus loin c’est toujours la jungle. Pas très nombreux, mais sereins. Moi je ne le connaissais que de par son appartenance aux « réformateurs ». C’était largement suffisant comme argument pour se convaincre que le personnage avait de l’étoffe et des choses à dire. Il faut cependant rendre à Kasdi ce qui appartient à Merbah. C’est lui, dès sa nomination au poste de chef du gouvernement, qui fera appel à Med Ghrib. C’est la preuve que l’ancêtre du DRS savait reconnaître les compétences nationales et leur faisait appel sans rougir. Lui était en voyage à l’étranger lorsque le wali de SBA se mettra à sa recherche. C’est de l’étranger qu’il apprendra l’appel du devoir. Car jusque-là, Med Ghrib était un simple réparateur de téléviseurs sur les bords de la Mékérra. Il en produisait 100.000 par an et tous les algériens en voulaient un. En couleurs SVP. Les premiers seront écoulés grâce à l’insistante vigilance des wali ; car ce sont ces commis de l’Etat qui ont servis de commerciaux à la SONELEC ! La SONACAT avait le monopole mais la liste des heureux bénéficiaires c’était au wali à l’approuver. Vous imaginez un jeune et fringant ingénieur, qui fit un détour comme auxiliaire à l’école normale d’Oran pour y enseigner la physique à nos futures institutrices, qui se retrouve à la tête de l’une des plus grandes usines de téléviseurs du monde. Avec siège à Sidi Bel Abbès. Une technologie Américaine (echchchah fi hizb França) avec un niveau technologique similaire à celui du français Thompson ! Rien que ça ! 
J’arrive dans la salle Mahmoud Darwich et Med Ghrib venait à peine d’entamer sa conférence. En quittant l’hôtel MontParnasse où la sympathique Stéphanie Maurice de l’Ecole supérieure de journalisme de Lille, nous entretenait mes collègues et moi, du journalisme de proximité – stage organisé uniquement pour les correspondants de l’Ouest du quotidien El Watan-, j’ai dû faire un détour par la pêcherie afin de contourner les embouteillages Algérois d’Oran, - c’est la même chose, la "tchi tchi" en moins, faut pas exagérer, Oran est vraiment moins coincée qu’Alger. 

A peine assis, j’ouvre grand mes oreilles et j’ai un peu de difficultés à entendre cette petite voix, presque inaudible, un débit sans aspérités, puis je me dis que c’est peut être la sono que Med loue à un jeune groupe d’ansejiens. Très rapidement, le récit se fera plus audible et le discours se transformera en un conte. Car notre électronicien, contrairement l’idée que j’en avais, ça sait aussi parler et ça sait surtout convaincre. Je découvre alors un grand orateur, sans les éclats de voix, ni les vociférations d’un Saadi ou d’un Touati. Un discours limpide, cohérent, sérieux, serein, riche en anecdotes aussi succulentes les unes que les autres, un discours responsable. Celui d’un Monsieur qui sait de quoi il parle et qui mesure la gravité de ses propos. Le long, tortueux et complexe parcours d’un ingénieur qui se transforme rapidement en chef de projet, qui forme une équipe, qui la soude, -normal pour un électronicien, ça travaille sur les électrons et tout le monde sait qu’il faut une bonne soudure grâce à un excellent amalgame à base de bon sens et de générosité- et lui fait confiance ! La recette est toute trouvée ! Hé bien non ! C’est compter sans les interférences du politique. Avec Belaid Abdeslam ça allait, un peu, tout le monde connaît ses bourdes et son entêtement, mais comme en face il y a avait le bon sens et la générosité, ça suffisait pour arrondir les bords et pour avancer. Mais à la mort de Boumediene, c’est le début de la chasse aux sorcières ! Très vite, le nouveau « Système » se rend compte que le Boumediénisme continuait à travers les cadres formés à cette époque. Ceci explique en partie la grande saignée de la décennie d’avant ! Puis l’entrée en disgrâce avec l’interruption du gouvernement Hamrouche (le 3 juin 91 ?) et l’arrivée des nouveaux « Harkis » selon l’expression de Sid Ahmed Ghozali.

 Justement quel lien entre Med Ghrib et SAG ? 

 A priori il n’y en a point. Pourtant, lors de sa très instructive conférence, Med Ghrib, dans une des multiples digressions – c’est aussi ça la richesse de son discours- il écorchera à deux reprises celui qui fut l’inamovible PDG de Sonatrach. Une fois en parlant des allocations journalières versées aux stagiaires de Sonatrach (par Ghozali) et de Sonelec ( par Med Ghrib) lors de leur séjour aux States : 20 et 7 dollars, respectivement, mais ça vous l’aviez compris !
 L’autre fois c’est à propos du transfert de technologie et de sa maitrise : Alors qu’après 6 ans de coopération américaine Sonelec est parvenue à se séparer définitivement de la main-mise américaine, dans une technologie de pointe, celle de l’électronique, tandis que Sonatrach est toujours incapable de réparer la moindre pièce sur un module GNL dont elle a eut la primauté à l’échelle mondiale.
 L’autre grande différence c’est que l’un est chef de parti et l’autre chef d’orchestre. Ils ne jouent pas sur la même partition, d’où la cacophonie Iranienne de l’un et la sérénité électronique et algérienne de l’autre. Pour info, Med Ghrib est avec d’autres, dont des jeunes ansejiens, à la tête d’un bureau d’engineering de renommée mondiale. 
Les habitués des chuchotements sur une (imminente?) succession - que l'on dit difficile- seraient bien inspirés de s'en rapprocher, il a un seul défaut, il est réformateur et apparemment ça ne se soigne pas.
Pas même au Val de Grasse? 

Voici par ailleurs l'article paru dans le quotidien Réflexion du 15/12/2010 


lundi 6 décembre 2010

L’Adieu à Hadj Boukli


panoramique de l'ITA ( au fond 2 nouvelles bâtisses) Photo DR
(cliquer sur la photo pour agrandir)

Inéluctable est la mort. Insoutenable est notre destin. Mais nous n’avons d’autres choix que de l’assumer. Après tout nous avons eut un parcours très particulier. Tout le monde n’a pas eut la chance de participer à l’expérience de l’ITA. En 1970, Mostaganem était une coquette mais modeste ville de moins de 70.000 habitants. Avec l’encadrement et le personnel de soutien, environ 500 personnes, il y a avait deux promotions, soit près de 900 jeunes de tous horizons. Cela faisait du monde dans la ville. L’enseignement c’était pas moins de 8 heures par jour, tous les jours. La cafétéria était tenue par Hadj Bouchachi au cercle Fromentin, qui deviendra quelques temps après le siège du Planning, un service où Nicolas allait exceller, après avoir mis sur rail « la vie collective » avec Bouzid Mezardja. A midi tapante, c’était la ruée vers le restaurant. C’est le royaume de Hadj Boukli. Les cuisines étaient sous la responsabilité directe de Hadj Maâta, beau père de HBA Benzaza et transfuge de l’hôpital de Mostaganem. Déjà aux premières lueurs de l’aube, le café était toujours accompagné de gâteau secs, de beurre et de confiture. C’est là que je découvrais pour la première fois la « noix de beurre » que l’on façonne avec une cuillère spéciale. Hadj Boukli qui nous gâtait comme pas possible, avait une très belle formule. Il disait toujours «  la première promo c’était beurre et confiture, la deuxième promo ce sera beurre ou confiture ! Mais c’était plus tard lorsque les effectifs atteindront les 2000 élèves ingénieurs et après que Hadj Maâta ait rejoint l’hôpital. Pour tout dire, nous étions choyés comme des princes. On dirait que Hadj Boukli avait une mission spéciale, celle de ne jamais nous froisser. Il avait cette autorité à nulle autre pareille de privilégier toujours ses élèves au détriment de tous les autres. Pour lui l’élève ingénieur avait toujours raison et il avait tous les droits. Il était le premier à ouvrir le restaurant et le dernier à le quitter. Jamais sous son règne les élèves ne seront brimés. C’est à l’arrivée de Benosmane, un autre enfant de Tlemcen que les choses se compliqueront entre lui et Hadj Boukli. Rapidement, les rapports entre les deux responsables étaient devenus exécrables, ce qui incitera HBA  à les séparer. C’est alors qu’un mauvais matin, Hadj Boukli se retrouvera à la tête des moyens généraux. Là aussi, il fera montre d’une abnégation et d’un engagement à toutes épreuves. L’homme était droit dans ses bottes. Auréolé de sa filiation avec Nordine Boukli, son neveu, alors SG du ministère et très proche de Tayebi Larbi, il était l’intransigeance personnifiée. Rigoureux comme une règle, fier comme un léopard, Hadj Boukli avait une seule famille, celle de l’ITA. Contrairement à tant d’autres, cette passion il la maintiendra jusque dans son exil. Jusqu’à ces dernières années où ses forces le lâchaient inexorablement, jamais lors d’un bref séjour à Mostaganem il ne fit l’impasse sur l’ITA. Nous sommes des milliers à lui vouer une admiration sans limite et un respect légitime. Je l’ai connu en ma qualité de délégué auprès de l’intendance, donc de l’intérieur du système, et je suis sans doute le mieux placé pour le connaître dans ses moindres recoins. Je ne peux rien faire d’autre que de dire qu’en face de lui, je n’ai jamais senti ni mépris, ni félonie, ni malice. Il était juste et parfois excessif dans sa justesse. C’est pourquoi, à jamais, il le savait parfaitement, je lui serais redevable de quelque chose. Je suis convaincu que je ne suis pas seul à partager ce sentiment. Mais s’il y a en un qui l’a connu et compris parmi les milliers d’élèves de l’ITA, je serais celui-là que ça ne m’étonnerait pas. Je dirais même que j’en tire une certaine fierté. Car il n’est pas donné à tous le monde de pénétrer le monde intérieur de Si Boubaker Boukli Hacène Thani ! Adieu l’artiste ! Tu nous a toujours manqué, car ton amour pour le travail et pour les « ITA » se confondaient allègrement. Tu étais vraiment des nôtres ; tu partageais nos joies et nos peines. Désormais nous serons bien seuls. Il reste ta mémoire que nous honorerons comme le ferait un de tes fils. C’est le plus bel hommage, d’autant que tu savais à quel point nous tous te respections. C’était la page de Hadj Boukli, sous la plume de Boussayar. 

Je me joins à tous les collègues qui ont connu feu El Hadj Boukli pour exprimer à sa famille mes sincères condoléances, tout en priant Dieu le tout Puissant de l'accueillir dans son vaste paradis.
Bouzerzour

dimanche 28 novembre 2010

Des revenants à l’ITA


Que d’émotions ce dimanche matin. Sous un ciel éclatant comme seul le ciel de Mosta peut l’être, l’esplanade de l’ITA était retentissante comme au premier jour. Évitant les allées poussiéreuses des ficus, je prends soins de mordre sur le vieux carrelage afin de rejoindre la cafétéria. Puis j’aperçois un groupe de touristes qui avancent nonchalamment mais avec résolution vers le Bat 1, siège du département d’Agronomie. Les prenant pour des pieds noirs dont c’est la saison de migration vers leur pays d’origine, je continue mon chemin.
Bonjour Aziz ! dit une voix familière. 
Je réajuste mon itinéraire et fonce droit sur le groupe où je reconnais Mme Benzaza. Je salue les deux couples de Français, que je continue de prendre pour des pieds noirs de Mostaganem et j’attends impatiemment les présentations. Qui vinrent à moi cinglantes. C’est Nicolas et Swagten accompagnés de leurs épouses. Dieux du ciel ! Deux personnages que je connais parfaitement puisqu’ils étaient en service à l’ITA lorsque j’y effectuais mes études. Pris par l’ émotion, je ne peux m’empêcher de les embrasser. Rapidement, je remonte le temps et parle de la casquette de Swagten et du rouleau de papier calque qui ne quittait jamais Nicolas. Je lui rappelle que c’est d’ailleurs lui qui nous fera le speech de bienvenue à la salle Cinémonde, c’était le vendredi 7 janvier 1971. Ce matin là, comme l’ITA n’avait pas encore de grande salle ni d’amphi, la direction générale avait réquisitionné la salle du Cinémonde pour nous accueillir et nous donner les premières indications. A coté de HBA Benzaza – dieu ait son âme-, il y avait Mansouri, le commissaire du Parti (FLN); Si Ahmed (DP), Djenidi Layachi (Directeur des stages) et Nicolas qui officiait déjà au service Planning. Maniant avec dextérité les marqueurs feutres (Onyx Marquer, je crois) il détaillait sur des feuilles de papier notre programme de départ en stage d’imprégnation que l’on entamait le lundi d’après. Comme il s’occupait un peu de la vie collective, il nous donnait les moindres conseils afin de nous aider à trouver un libraire ou une épicerie. Nous avons aussi parlé de Queyras, qui était le chef du département Zootechnie. Swagten se met à parler avec beaucoup de déférences de HBA Benzaza. Voilà que Mokhbi se joint à nous, puis Halbouche avec son air débonnaire et une chevelure rebelle. Lui c’est la promotion chinoise et ses 1080 élèves ingénieurs. Il parle de son cursus aux multiples facettes. Le ciel s’est complètement dégagé et nous marchons avec nonchalance vers le Bat 1 où les jeunes étudiants, sous la houlette de Boularès Tafer organisent une exposition de champignons. Les souvenirs remontent très vite à la surface. Des noms suivit de « Ah oui » sont échangés avec frénésie. Quelques photos souvenirs sont vite expédiées grace aux numériques. Nous remontons l’avenue principale jusqu’à hauteur de l’ex Direction générale ( non loin de la nouvelle mais très moche bibliothèque). L’heure de se séparer est vite arrivée. L’émotion est si forte que nous oublions de nous saluer.

Des retrouvailles que nous attendions tous depuis bientôt 40 ans, ont enfin pu se faire. Nous avons convenus que cette fabuleuse aventure de l’ITA ne devrait pas passer aux oubliettes. Il suffit que tout un chacun prenne le soin de rédiger une feuille 21x27 sur un souvenir. Comme nous sommes plus de 10.000 à avoir bâtit cette épopée, ça fera un livre de 10.000 pages où chacun pourra trouver matière à nostalgie. Pour ma part, c’est fait, la parole est à vous tous coopérants de droit commun, VSNA, élèves ingénieurs, responsables, employés de la MITA, du Parc auto, du restaurant, de la cité du belvédère, de la cité foncière (Tigditt) des ateliers Mac, Zoot et Agri….. A vos plumes ! Nous étions une grande famille, nous avons accomplis des miracles et nous ne  le savons pas. La longue expérience de l’ITA est une fabuleuse épopée humaine à nulle autre pareille. Pour tout ça, voici un souvenir impérissable, cette photo de famille que personne ne pouvait imaginer il y a de cela un jour. Elle est le témoignage de cette amitié que seuls les agronomes savent cultiver.
Boussayar

Voici les premières réactions à ces retrouvailles:

de Jean-Michel GRESSARD
Merci Aziz
J'ai eu beaucoup de nostalgie à la lecture de ce message. Bien sûr, je les connaissais tous. A quant une association des anciens ?

Bien amicalement. JM Gressard
 
de Hamoud Zitouni
Cher Aziz, tu es arrivé à nous faire partager des retrouvailles avec des gens qui ont marqué un moment de nos cursus de formation et très probablement le restant de notre vie professionnelle, je trouve cela  d'une exceptionnelle gentillesse et de savoir faire. Ton idée me trotte dans la tête. Mais il ne faut pas que cela soit un fourre-tout indigeste. Tout l'art est de rédiger une œuvre qui se laisse lire. Alors, de mon côté je réfléchis à ce qui peut intéresser l'éventuel lectorat sur une expérience de formation exceptionnelle, atypique mais qui a donné ses preuves combien même la mauvaise gouvernance de notre pays a mené notre agriculture à la clochardisation, particulièrement à partir de la loi scélérate dite 87/19 qui démantelé les ex  domaines, suivie du décret 88/170 qui sonné la mise à mort des coopératives de services dont le patrimoine inestimable a été livré au dinar symbolique à la pègre. La suite est malheureusement longue. Le PNDA et autre GCA en sont d'autres péripéties. Qu'on aurait planifié le saccage de notre agriculture, on ne se serait pas pris autrement. 
Ah! J’oubliais. Le pavé ne doit aucunement verser dans le pessimisme. S'il est destiné à être  lu par la nouvelle génération, il faut qu'il inspire l'optimisme, le sens du labeur, des défis à gagner et bien d'autres bonnes choses dont nous rêvions...
Hamoud
 
 

Mieux vaut être futé que petit

Mieux vaut être futé que petit


Le dernier numéro du « Petit Futé » apparait comme un pamphlet contre l'Algérie. S’il contient quelques douloureuses vérités que personne ne voudra ici nier, il comporte également une attaque sournoise contre ce pays et surtout contre sa population. Par moment, le propos frise le racisme. Ces excès ne peuvent en aucune manière être tus ni tolérés. Une réponse sereine, collective et appropriée devrait remettre les choses à l’endroit. Il est évident que cette dérive du Petit Futé dessert les intérêts bien compris de l’Algérie tout en mettant en exergue les mérites supposés de ses voisins. On devrait dire que c’est de bonne guerre dans ce honteux marchandage que toute bonne morale se devrait de réprouver. Mais il est de certaines affirmations qui relèvent de la calomnie lorsqu’appliquées à tout un peuple et à ses fondamentaux. Car s’agissant des nos valeurs séculaires, il ne peut plus être permis à quiconque de se référer à des élucubrations moyenâgeuses et d’en faire une chronique du temps présent. Le glissement n’est pas que sémantique, il est cynique et sert une cause entendue, que de nombreux médias, surtout français, ne cessent de répandre afin de nuire au rapprochements humains que de nombreux Algériens, tentent avec abnégation de construire à travers le mur de la honte qu’une droite revancharde ne cesse d’ériger afin que ce pays mille fois meurtri ne parvienne jamais à reconstruire une société de tolérance, de convivialité et de bonne intelligence. Celle là même que n’ont cessé de réclamer les plus lucides enfants de cette terre. Qui se trouvent être aussi bien de substance berbère, juive, arabe, française et d’autres encore. Car par-delà les contingences religieuses et ethniques, il a toujours été possible de construire un socle commun sans lequel ce pays n’aurait aucune histoire à opposer à ses détracteurs. C’est pourquoi, cette dernière salve venimeuse d’un petit serpent sournois devrait aider à rassembler tous les enfants d’Algérie, ceux biologiques, qui sont nés sur cette terre et qui continuent de l’aimer et de s’en réclamer et ceux d’adoptions, qui la connaissent à travers son fabuleux et multiethnique peuple, dont ils ne cessent d’admirer la bravoure, la jovialité, la bienséance, l’hospitalité et la fierté. L’Algérie, ce « Cœur du Maghreb classique » selon le beau titre du très beau livre de Gilbert Meynier, n’est jamais aussi forte que lorsqu’elle est assiégée. Au lieu de ruer comme nous le faisons parfois sans retenue sur ce petit futé et sur ses attaques perfides, prenons l’engagement solennel que désormais tout ce qui touche à ce pays nous concerne. Faisons en sorte que plus aucun Algérien ne se sente oublié ou abandonné par son pays. C’est à partir de là que nous entamerons notre nouveau chemin vers l’opulence et vers la félicité. Faisons un effort sur nous-mêmes et sachons réparer ce que la bêtise humaine a si mal conçu. Au lieu d‘aimer individuellement l’Algérie, conjuguons nos amours et aimons là ensemble et en communion. Rendons-lui ce beau visage éclatant en lui épargnant nos paresses. A chacun de nos gestes souvenons-nous que le petit futé est à l’affut. Du statut d’ennemi public numéro un que d’aucuns lui fourbissent, faisons-en le redresseur de nos torts. Pour ce faire, un seul objectif : que chacun dans son action quotidienne partout en Algérie et à travers le monde, sache être digne et relevons le défi afin que ce petit futé se déjuge sans insultes ni contraintes. Pour conclure, un proverbe Djidjélien :
 S’il t’insulte une fois, c’est pour lui, à la seconde fois c’est pour toi (idha sebbek mara yna3al bouh d’houa, idha sebbek maratayni, yna3al bouk denta ». Faisons en sorte qu’il n’y aura plus une autre fois. Nous avons dans les caisses du trésor public 286 milliards de dollars pour le faire. Il nous manque une trentaine de ministre, une cinquantaine de wali, 150 ambassadeurs, plus de 1500 maires, 30.000 universitaires, 500.000 fonctionnaires et 35 millions de citoyens ! Avec toute cette armada, ce n’est pas un petit futé qui viendra nous donner la leçon ! Nous serons trop grands pour lui ! Mais cela passe par la reconnaissance de nos travers.
Boussayar

jeudi 25 novembre 2010

La science trahie

 

Terrible fut cette journée. Je venais à peine de rentrer à la maison, lorsque mon collègue Chadly frappe à la porte. Il était 19 heures et de suite j'ai craint le pire. A sa tête j'avais compris qu'un grand malheur nous avait frappé. La nouvelle qu'il ramenait d'Oran était terrible! Deux des plus sensibles labos de recherche ont été dévastés par des mains criminelles. Il y a à peine 10 jours, à deux nous y avions effectué une visite. C'était dans le cadre du projet de Centre national de préservation des souches. Je savais que parmi les équipes qui allaient être associées à ce projet, celle de Nourdine Karam figurait à la première place. Mais nous n'avons pas put le rencontrer. Ce n'était que partie remise me disais-je. Lorsque Chadly m'apprend la terrible nouvelle, je compris immédiatement que quelque chose s'était cassé. Un tsunami avait frappé mon pays justement à l'endroit le plus sensible et le plus prometteur. Il sera très dur de me faire croire à un simple cambriolage effectué par des malfrats. Les bactéries qu'on a tuées est un crime économique inestimable. Ses auteurs savaient parfaitement ce qu'ils faisaient. Rien ne me dit que les échantillons les plus recherchés n'ont pas été emportés et que tout ce carnage n'est qu'un vulgaire maquillage d'un crime technologique digne de nos ennemis. Le temps me donnera raison, c'est ma conviction. J'ai de la peine à croire que les enfants de mon pays ont participé à la trahison. C'est pourquoi, je suis profondément blessé.

Boussayar

 

A la question de savoir qui a fait ça?

voici une réaction publiée sur ce sujet, voir ce lien: 

http://www.lequotidienalgerie.org/2010/11/25/oran-crime-contre-la-science-a-l%E2%80%99universite/

 

  Voir d'autres réactions sur ce blog:

http://www.algerie-dz.com/forums/archive/index.php/t-188453.html


Voici l'article paru le jour même sur El Watan

Crime contre la science à l’université d’Oran

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le 24.11.10 | 19h24 16 réactions

C’est un acte des plus gravissimes que viennent de subir les chercheurs en génie microbiologique de l’Université d’Es Sénia. Toutes les collections de souches bactériennes, fruit d’un travail soutenu depuis plus de 25 ans, sont irrémédiablement perdues. 


Durant la nuit du 23 au 24 novembre, vers 4 heures du matin, un groupe de criminels a investi les locaux des laboratoires de professeurs Nordine Karam et Fatima Zohra El Kébir, qui travaillent respectivement sur les bactéries lactiques d’intérêt biotechnologiques et sur la biologie du développement.
Les congélateurs et les frigos ont tous été vidés de leurs contenus. Des milliers de tubes à essai ont été jetées à terre, certaines bactéries pathogènes auront subies le même sort. Tous les ordinateurs ont été emportés, brisant pour longtemps les carrières de nombreux universitaires dont les résultats expérimentaux étaient stockés dans les disques durs.
Mercredi matin, les locaux du bâtiment abritant ces laboratoires étaient jonchés de produits chimiques, de matériels scientifiques et de meubles. La désolation et l’abattement étaient sur tous les visages. Pour de nombreux universitaires, c’est le travail de toute une vie qui part ainsi en fumée.
Accourus de toutes parts, ces universitaires sont choqués par ce qui s’apparente à un véritable tsunami dévastateur. Personne ne parvient à comprendre que l’on s’en prenne à la recherche scientifique qui n’avait pas besoin de ce cataclysme dévastateur digne des barbares.
Yacine Alim


mardi 2 novembre 2010

Djamila, Malika, Wassila, Bakhta, Dalila et le décalage horaire


À PROPOS DU LIVRE MA VIE À CONTRE-CORAN DE DJAMILA BENHABIB
C’est mon avis !

Le Soir d’Algérie du 30 octobre 2010

Par Malika Boussouf
Comment expliquer l’épuisement que l’on éprouve au sortir d’un ouvrage aussi fastidieux à parcourir ? Comment cautionner un écrit qui justifie la xénophobie quand il ne l’encourage pas ? Faut-il rappeler, par exemple, que les crimes d’honneur obéissent à des codes qui, à l’origine, n’avaient pas de références religieuses ?
...... Parler de l’Algérie aurait suffi à illustrer tout ce que l’ouvrage s’est épuisé à aller chercher ailleurs. Quand on n’a pas de problème existentiel pourquoi s’en inventer ? C’est tellement inutile ! À moins que ces derniers ne s’avèrent indispensables à la justification du départ ou à l’adoption de soi par les autres ? Fuir le carcan algérien pour ne se revendiquer que comme citoyenne du monde, oui ! C’est même très bien ! Pourquoi culpabiliser, alors, au point de dire : «Je regardais ailleurs pour ne pas trop m’apitoyer sur mon sort» ? S’il est vrai que Ma vie à contre- Coran n’est pas destiné à un lectorat algérien, il faut certainement le lire non seulement pour éprouver cet intense plaisir d’en avoir fini avec mais aussi et surtout pour comprendre pourquoi il a été écrit par cette citoyenne québécoise d’origine algérienne qui pleurniche sur son itinéraire d’enfant gâtée et sa condition de femme privilégiée. Il s’agit d’une femme «modèle» qui s’est forgée une personnalité juste comme on les aime en Occident. Ces femmes qui viennent de pays musulmans et qui, parce qu’en quête de reconnaissance, crachent plus loin que tous dans la soupe qui les a nourries. Des femmes qui pour mieux être regardées
dans leur pays d’adoption empruntent dans un excès de zèle enragé le langage désopilant d’éternels pourfendeurs de l’Islam. J’ai vainement attendu que Djamila Benhabib aborde le combat féministe en Algérie.
Rien ! Elle a fui les islamistes ici pour les retrouver au Canada. Les dénoncer là-bas en écoutant Rock Voisine et en s’adonnant au plaisir retrouvé de monter à cheval, c’est tellement plus confortable ! Que vive donc la liberté d’expression propre à l’Occident, mais que vive aussi celle qui fait l’objet de batailles quotidiennes en Algérie.
C’est ce combat que beaucoup d’entre nous préfèrent mener. Il est plus excitant ! Et tant pis pour celles et ceux qui s’offusqueraient que l’on puisse défendre l’Islam et Allah sans être un fou de Dieu ni un adepte du foulard. Comme il est agréable de ne pas appartenir au clan.
M. B.


Dalila B. à Aziz Mouats
J'ai lu le livre de D.Benhabib il y a quelques mois et effectivement, je pense qu'il n'apporte rien de nouveau à ceux et surtout celles qui ont vécu ces années là au pays, jour après jour, ceux qui ont vécu l'escalade de la violence, ceux qui ont pleuré les morts, ceux qui ont résisté d'une manière ou d'une autre à la barbarie islamiste, ceux que le cauchemar n'a pas emporté. En revanche, il apporte à ceux qui ne vivent pas en Algérie, le ressenti d'une algérienne (une parmi tant d'autres) refusant le dictat des islamistes. Pourquoi pas?
En revanche, j'ai beaucoup (et c'est peu dire) apprécié "une femme en colère" de Wassyla Tamzali. A lire si ce n'est déjà fait. Elle interpelle de manière magistrale les intellectuels de l'autre coté de la grande bleue qui ne limitent les droits de la personne humaines qu'aux contrées occidentales.
Dans quelques heures seront lancés à partir de la baie d'Alger 56 coups de canons. Pour moi, ils retentiront toujours avec nostalgie et  beaucoup de peine, car l'Algérie dont ont rêvé ceux qui ont donné leur vie pour ce pays, n'est sûrement pas l'Algérie d'aujourd'hui!
Je ne dis qu'à quelques rares personnes "bonne fête" pour le 1er Novembre, tu en fais partie désormais, alors Aziz, bonne fête, car on contribue un peu, un tout petit peu à notre manière, à construire l'Algérie dont ont rêvé nos martyrs.
Affectueusement.

Aziz Mouats à Dalila B.

Bouleversant ton mail, bouleversante ton analyse, bouleversante ton appréciation sur la construction du pays, bouleversant ton respect pour nos valeureux martyrs. Avec autant de bouleversements à la fois, au point où j'en suis ému, je voudrais te dire que le plus choquant pour moi, ce ne sont pas les prises de positions des intellocs de là-bas, ils sont forcément forgés à une vision différente de la notre, mais ce sont les louanges de certains journalistes bien de chez nous qui sonnent mal. C'est pourquoi je partage totalement le coup de gueule de Malika Boussouf. « Ya Bourab », que deviendrions-nous lorsque nos femmes se glisseront toutes dans l'aplat-ventrisme occidentalo- islamiste? Heureusement que certaines de nos compagnes maintiennent en vie ce zeste de lucidité qui les rend si grandes à nos yeux. A une collègue –Bakhta A.- qui m'interpelle souvent sur l'abnégation à la tache de nos universitaires de l'autre sexe, je suis presque soulagé de lui dire voilà des femmes qui ont gardé le sens de l'honneur et celui du combat pour la lumière et contre l'obscurité...
 Non pas l'obscurité, ça c'est féminin, ça véhicule encore de la douceur, je lui préfère l'obscurantisme et je l'accompagne de la lâcheté. Merci Dalila et bonne fête, merci Malika Boussouf, vous avez de qui tenir. Merci Bakhta et Wassila, vous nous donnez tant de courage, car vous êtes nos "derniers" vigiles. A vous et à toutes vos semblables, bonne fête du 1er Novembre, vous le valez très bien. Et encore merci pour cette droiture qui vous donne toute cette grandeur. 
Un petit et fort amical coucou à Mme Wassila Tamzali. Tout comme de nombreux agronomes de ce pays, j'ai connu Nadia Zougar/Tamzali qui officiait de manière magistrale à l'école d'agriculture de Aïn Taya.....nous sommes des milliers à avoir la faiblesse d'en garder un souvenir impérissable. L'Algérie est un si petit pays, finalement....
Aziz Mouats

lundi 1 novembre 2010

Med Gharbi, Djamila, Malika, et nous autres


Entre le confort de l’une et les combats des autres

Novembre et le Combat continue …grâce aux femmes de cette Algérie meurtrie.La célébration du 56ème anniversaire de Novembre 54 coïncide avec la sortie algérienne du livre de Djamila Benhabib "Ma vie à contre Coran". Après l'accueil unanime, parfois condescendant de nombreux journalistes d'ici et de là-bas, il y eut un papier courage de Malika Boussouf dans "Le Soir d'Algérie"(
Lien: http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/10/30/article.php?sid=108054&cid=16)
. J'allais dire enfin une note discordante! 
Trop simplet comme raccourci, en fait le texte de Malika Boussouf est bien un souffle digne de Novembre, car il remet les pendules à l'endroit, le décalage n'est pas seulement horaire entre la province québécoise et les Champs Élysée. Avec sa verve habituelle, sa clairvoyance redoutable et sa plume trempée dans l'encrier de l'honneur, Malika Boussouf nous interpelle. De cette interpellation, un échange que Boussayar se fait un plaisir de relayer. Surtout au moment où dans les travées enfumées du SILA, de jeunes algériens distribuent des appels à l'amnistie au profit de Mohamed Gharbi, ce Novembriste de la première heure, ce patriote des temps modernes qui se soulèvera 3 fois et qui croupit dans les geôles de la république dont il fut un incontestable géniteur. Qui a dit que la révolution finirait par manger ses enfants? Avec la condamnation de Mohamed Gharbi, la preuve en est faite: il n'est pas bon d'être révolutionnaire, et surtout de le rester! 
Dire qu'il lui aura fallu 56 ans pour s'en rendre compte! Rien que pour une bourde pareille, on devrait tout lui pardonner à ce septuagénaire persistant. Sa condamnation devrait être caduque pour gros déphasage. Il avait cru qu'avec l'avènement de l'obscurantisme, la révolution de Novembre reprenait de plus belle, car la nation était encore une fois en danger! Quel grand naïf que ce moudjahid de Souk Ahras. Au secours Frantz Fanon, le théoricien de la révolution, l'Algérie ne fait plus le distinguo entre les héros authentiques et la racaille. Et ça personne ne l'avait enseigné à Mohamed Gharbi. Normal qu'après toutes ces dérives, il se fasse sacrifier pour son entêtement à continuer à chanter "oua 3akadna el 3azma an tahia el djazaier"! Normal qu'à cause de ce combat pour lequel il s'était engagé en 1954, il se fasse rattraper par l'histoire! Connaissez vous un seul faux moudjahid qui, à l'avènement du terrorisme intégriste -durant la décennie rouge et noire-, ait (re) pris les armes pour sauver une seule (seconde) fois l'Algérie? Lui, Mohamed Gharbi l'a fait! Dur d'accepter d'un septuagénaire une erreur de jeunesse. C'est peut être pour ça aussi qu'il a été condamné? Finalement pourquoi ce bon patriote (de 1954) est-il devenu un si mauvais élève en 2008? Curieux parcours que notre érudit professeur Ridouh est seul à pouvoir expliquer. Car il y a là un véritable mystère  que seul un expert international pourrait éclaircir. A-t-on expliqué à Mohamed Gharbi, ce récalcitrant moudjahid, que la guerre était finie? Si oui, a-t-il appris la leçon? Quelle note a-t-il obtenu à l'examen final de la grâce amnistiante, un module qu'aucune école ni université n'a jamais enseigné!  En 1954, quand un indigène sur 1000 pouvait aller à l'école, Mohamed Gharbi avait 16 ans! trop vieux pour aller à l'école, les indigènes en étaient exclus dès 14 ans, mais déjà majeur pour rejoindre l'ALN! Première et lourde erreur de Mohamed Gharbi. Ne jamais s'engager dans la guerre avant sa majorité! Il est rentré trop jeune dans la guerre et il n'en est jamais sorti! C'est peut être à cause de cela que la révolution triomphera, laissant dans son sillage d'éternels enfants. Un pays qui accepte de condamner des enfants de Novembre à la peine capitale a-t-il un avenir? Nul ne peut nier que Mohamed Gharbi est un enfant de Novembre! Est-ce une raison suffisante pour le pousser vers l'échafaud? 
Boussayar



vendredi 22 octobre 2010

Tamazight s’arrime à la traduction des œuvres universelles




Deux jours durant, les participants au deuxièmes journées d’études sur la traduction « de et vers les langues et culture émergentes de tradition orale » réunis au sein de l’université de Mostaganem, à l’initiative du HCA, auront convenus de bousculer les lourdeurs administratives en convoquant la littérature maghrébine et universelle. Une manière studieuse et rationnelle afin de contourner les tentatives récurrentes de ghettoïsation

Les chercheurs associés au Haut Commissariat à l’Amazighité qui se sont retrouvés à l’université de Mostaganem dans la cadre de la seconde journée d’études les 11 et 12 octobre dernier ont axés leurs travaux sur « la traduction comme moyen de rencontre des civilisations et de développement des langues émergentes ». Ouverte en présence de Farid Berramdane, doyen de la faculté des lettres et des arts, la rencontre a été malheureusement largement boudée par la communauté universitaire locale. Pourtant, la manifestation ne manquait ni d’ambitions ni d’intérêts. Car en plus des chercheurs et enseignants algériens, on notait la participation fortement appréciée de Habib Tengour et de son traducteur attitré, le professeur Pierre Joris enseignant à l’université of Albany de New York. C’est le prolifique poète mostaganémois et son fidèle traducteur qui animeront la table ronde finale axée essentiellement sur la troisième voix/ voie de la traduction. Leur prestation sous forme de dialogue à trois entre le poète algérien ayant choisi la langue Française pour porter ses poèmes, le Luxembourgeois enseignant dans la langue de Shakespeare et « le tiers incommode ». Pour ces deux poètes traducteurs comme ils aiment à se définir, de leur expérience née une dynamique réciproque où le Français, l’arabe dialectal ou classique, l’anglo-américain et l’allemand interfèrent pour qu’émerge les langues de la traduction et de l’écriture. Assurément, les organisateurs, à leur tête le dynamique Youssef Mérahi, président par intérim du HCA, ont eut la main heureuse en accueillant ces deux fabuleux chercheurs ; donnant à cette manifestation un véritable label de sérieux et d’efficacité. Car il leur en aura fallu de la perspicacité pour tenir cette manifestation, sachant qu’hormis l’université de Mostaganem qui aura tenue ses engagements, l’administration locale aura surtout brillé par un lâchage que le changement du chef de l’exécutif de la wilaya ne peut à lui seul ni justifier ni excuser. Ce que ne manqueront pas de souligner avec force nos interlocuteurs du HCA, qui paraissaient rodés à ce genre de défections de dernière minute. Mais comme le souligneront de nombreux participants, ce sont les absents qui ont toujours tort. Il est vrai que pour ceux qui ont pris le pli de confiner l’amazighité au folklore clinquant, la qualité des interventions, la sérénité et la richesse des débats, la profondeur et la subtilité, voire parfois la gravité des sujets abordés laisseront chez celles et ceux qui les ont suivis et animés un profond sentiment de plénitude et de maturité. Car avec des moyens dérisoires, face à une adversité sourde et terriblement frondeuse, les animateurs de cette mission parviennent parfaitement à avancer tout en évitant à la fois les traquenards et les sentiers battus. En effet, lorsque des traductions des quatrains de Omar Khayyam, du « Petit Prince » de St Exupéry ou « Le fils du pauvre » de Mouloud Feraoun sont proposées au public berbérophone, il n’est plus permis de douter de la volonté du HCA de faire sortir le Tamazight de l’ornière dans laquelle des milieux hostiles tentent de le confiner. D’ailleurs les organisateurs ne s’y tromperont pas. Dans leur brochure de présentation, ils souligneront que leur démarche s’inspire de la grande civilisation musulmane qui n’a réussie à s’affirmer qu’en s’appliquant à traduire « des œuvres grecques, indiennes et persanes, ajoutant que « sans la traduction des œuvres arabes en latin, puis dans les langues européennes, la révolution scientifique et technologique du monde moderne n’aurait pas eut lieu ». La référence aux langues latines est loin d’être fortuite, surtout que durant les dernières semaines, trois intellectuels algériens avaient commis des écrits qui ont profondément interpellés, voire révoltés, de larges pans de la population berbérophone du pays. D’emblée, c’est le Pr. Mohand Akli Haddadou qui parlera de l’exemple du monde musulman, soulignant l’apport de la traduction et du travail des traducteurs à la renaissance européenne. Moussa Imazarène abordera la question cardinale des différences entre les langues, les cultures et les civilisations qui sont autant d’obstacles que le traducteur doit nécessairement éviter pour passer d’une langue à une autre. Massika Senouci de l’université de Ouargla, après avoir rappelé que la langue est un pilier fondamental de la sauvegarde de l’identité individuelle et groupale, soutiendra qu’il convient de penser la traduction en langue berbère en tant que vecteur de transmissions de connaissances et de préservation de l’identité nationale. De son coté Aldjia Outaleb la complexité des rapports et apports entre les langues et de la nécessité de les comparer et de les mettre en contact.

«Feraoun est un auteur éminemment moderne »

S’inspirant de « La nuit sacrée », de Ben Jelloun, Hafidha Aït Mokhtar tente de décrypter comment les écrivains maghrébins de langue Française intègrent leur propre culture à travers le recours à leur langue maternelle et à leur patrimoine par des emprunts qu’ils insèrent dans le texte Français. Sans le dire, l’oratrice aborde le sempiternel problème de la relation entre la langue originelle et celle du colonisateur que d’aucuns considéreront souvent trop hâtivement, voire abusivement à une certaine assimilation. C’est pourquoi, lorsque durant la seconde journée du colloque, lorsque le Dr Aziri soutiendra que l’acculturation signifie la perte de sa culture originelle, il ravivera un vieux débat sur la perception que certains cercles continuent d’avoir à l’encontre de Mouloud Feraoun et de Mouloud Mammeri, deux icones de la littérature Algérienne et maghrébine d’expression Française. Après une analyse élogieuse mais néanmoins très critique du dictionnaire Tamazigh/Français du père Dallet, ouvrage incontournable pout tous chercheur, la jeune et ravissante Samia Merzouki fera une élégante énumération des nombreuses lacunes qui parsèment ce livre de 1015 pages, publié en 1982 serait truffés de lacunes, de non sens et d’erreurs que la jeune universitaire s’est appliquée à recenser, invitant les spécialistes à réfléchir à une autre version plus en rapport avec les subtilités de la langue amazigh. Vilipendant la notion d’auteur assimilé dont est affublé Mouloud Feraoun, l’oratrice renverra dos à dos les appréciations de Christine Chaulet Achour ainsi que les lourdes insinuations de Mostéfa Lacheraf. Suscitant ainsi de nombreuses réactions parmi les présents, toutes allant dans le sens de la désapprobation. Pour chacun des intervenants, Mouloud Feraoun n’est ni un assimilé, in un écrivain folklorique, ni un plumitif. Pour Habib Tengour, « il devient impérieux de relire Mouloud Feraoun en faisant abstraction des idées reçues, des anathèmes et des grilles de lecture nationalistes. Il suffit de lire son journal pour se rendre à l’évidence que dès 1955; l’auteur de « Jours de Kabylie » avait bien avant d’autres, soutenus sans ambigüités aucune le FLN et son combat libérateur. Parlant de la nécessité de traduire au berbère les textes juridiques afin de permettre aux populations berbérophone d’accéder à la citoyenneté, Noureddine Bessadi martèlera avec beaucoup de convictions que seul l’accès au droit juridique permet à une population de s’arrimer à la modernité. En marge de ces palpitantes journées, les participants ont eut droit à une exposition de plus de 150 ouvrages traduits au Tamazigh à l’initiative du HCA.

jeudi 21 octobre 2010

Laghrib* et le royaume


Déjà avec sa très commode djellaba noire, il détonne superbement dans cette zaouïa du fond de la vallée du Chéliff. Où l’habit n’a jamais fait le moine. Au milieu de ces jeunes et moins jeunes talebs, tous très appliqués, lui, Laghrib comme il aime à se faire appeler, détonne non sans étonner. Pendant que tous les pensionnaires s’appliquent à réciter quelques versets coraniques, lui, l’étranger se met à l’écart. Une seule fois, il a traversé l’immense salle de la zaouïa des Bellahouel où l’on observait le septième jour de deuil, suite au décès du fils cadet du Cheikh. Il y a avait là son cousin germain, venu spécialement du Nord de la France partager la douleur des siens. Médecin de son état, c’est auprès de lui que le défunt était venu chercher un ultime réconfort.
Revenu sur les terres de ses ancêtres, le médecin n’est nullement intriguée par la présence de Laghrib, mais par sa parfaite maitrise de la langue de Voltaire, de Montesquieu et d’Étienne de La Boétie. Servi par un accent que le plus érudit des parigots n’aurait point renié, Laghrib débite avec une aisance déconcertante un discours philosophique châtié et plutôt cohérent. Sans doute l’a-t-il appris sous le pont Mirabeau, auprès de quelque clochard érudit. Peut être a-t-il fréquenté les bancs de la Sorbonne ou du cours Florent. Car derrière sa chevelure rebelle, se cache assurément un acteur qui ne s’ignore point. Le regard pétillant, la chevelure à peine grisonnante et le verbe châtié, il attend une seule nouvelle que personne ne veut lui apporter. 


Curieuse posture que celle de Laghrib. Qui est en réalité un poète qui n’ignore rien de sa condition. Le plus intrigant chez ce personnage, ce n’est pas son accoutrement assumé, ni ses strophes bien léchées, encore moins son insolente cigarette. En ce lieu de recueillement, il ajoute son zeste de désinvolture. Connu, admis, respecté, voire même adulé par les habitants de ce hameau où la spiritualité vous envahit dès que vous mettez le pas dans cette immense place de la mosquée ou un authentique Roi d’Arabie, venait se ressourcer, Laghrib jouit d’une authentique considération. Là, au fond de la vallée, non loin de Béni Ifren, l’antique cité punique, à la zaouïa des Bellahouel, Laghrib semble se libérer de ses douleurs citadines. Peut être même parisiennes ! Avec un tel accent, toute supputation est pardonnable ! Ici, lui, l’étranger se sent en parfaite sécurité. Incontestablement il est l’hôte le plus choyé de la vallée. Lui-même semble baigner dans la plénitude. Pourtant, quelque part, Laghrib ne veut rien dire sur lui-même, se contentant d’attendre la grande nouvelle. Comme les millions de ses semblables, il attend inlassablement l’avènement d’un autre royaume. C’est seulement en cela qu’il est notre semblable, à la seule différence que lui dit tout haut ce que nous osons à peine murmurer. Il sait qu’ici, personne ne le prend au second degré. Car derrière sa chevelure rebelle, sa poésie châtiée, il y a cet anonymat bien commode qui autorise toutes les extravagances. Comme dans le coin on cultive la politesse qui sied aux seigneurs, personne n’osera la question qui fâche. Au pays de la tolérance et de la bonne humeur, Laghrib fait office de fou courtois. Il cultive l’insolence des rois, sans en avoir ni l’impotence, ni l’extravagance.
Son unique bonheur se résume à attendre la mort du roi ! Curieuse réjouissance pour un non moins curieux personnage.
* : l’étranger.

20 Aout 55, les blessures sont encore béantes

  Propos sur le 20 Aout 1955 à Philippeville/Skikda  Tout a commencé par une publication de Fadhela Morsly, dont le père était à l’époqu...