mardi 24 avril 2012

Une vraie alternative pour le 10 mai



LA NATION Numéro 48 Edition du 17 au 23 Avril 2012

Entretien avec Mustapha Bouchachi, président de la LADDH

Le régime a fabriqué des hommes et des femmes qui ne croient pas à la souveraineté de la loi

Ahmed Selmane_Mardi 7 Février 2012

Mustapha Bouchachi, président de la Ligue Algérienne de défense des droits de l’homme dresse dans cet entretien une autopsie saisissante du système judiciaire et de ses acteurs révélatrice d’une régression générale. Cet homme qui ne croit pas que le changement par la violence soit nécessaire souligne que l’Algérie fait l’objet d’une entreprise de destruction des consciences d’une extrême gravité. Il appelle les élites à sortir de leur silence… De leur connivence…




La Nation – Comment expliquez-vous la tendance de plus en plus forte au sein de la société à résoudre les problèmes à travers les institutions sociales traditionnelles ? N’est-ce pas un indice de l’aggravation de la crise de confiance à l’égard de l’appareil judiciaire ?
 
Le métier d’avocat et la magistrature sont à l’image de la société. Ce système est corrompu et la plupart des institutions sont sans crédibilité ; et cela ne se limite pas aux seules institutions de l’Etat. Je crois que le plus grave et le plus dangereux est qu’il existe un plan pour détruire la nation dans sa conscience même. Mes fonctions d’enseignant et d’avocat me permettent de constater que la corruption est générale. La question qui se pose est la suivante : est-ce une corruption programmée ou est-elle spontanée ? Je ne crois pas à cette dernière éventualité car nous sommes face à un Etat et à un régime qui disposent de tous les laboratoires. Il est difficile de croire que ce qui se passe se limite à des simples erreurs de gestion. Il y a au contraire une entreprise de destruction des institutions de l’Etat et en même temps un anéantissement de la conscience chez les gens de ce pays. Cela concerne toutes les institutions de l’Etat et toutes les professions.
 
Mais quel serait le but d’une telle entreprise de destruction ?
 
C’est une question légitime et nous devons la poser et l’examiner. Ceux qui planifient la destruction, le font-ils pour leur profit ou pour le profit d’autres ? C’est une question à laquelle je ne suis pas en mesure de répondre car je ne connais pas les centres de prise de décision et on ne peut les personnifier et les évaluer ; mais ce qui est certain est que la destruction de l’université, de la magistrature, de la profession d’avocat et d’autres institutions n’est pas une opération spontanée mais planifiée.
 
Ne pensez-vous pas que ce qui se passe aujourd’hui dans la région arabe avec les appels de certaines élites et de certaines catégories de la population à demander une intervention de l’occident contre les régimes est un effet de cette destruction que vous évoquez ?
 
Il y a des régimes dictatoriaux dans la région qui œuvrent à assurer leur pérennité mais en même temps il existe des dictatures qui ont une certaine vision. Ce sont bien des dictatures mais elles veulent créer des institutions et développer la société afin d’entrer dans l’histoire sous cet aspect.
 
Quelles sont ces dictatures ayant une certaine culture de l’Etat ?
 
En Tunisie, malgré la dictature et la corruption, le régime a essayé de s’inscrire dans l’histoire à travers certains projets, en Algérie la dictature est sans programme, elle est sans but ; c’est une dictature sans vision, une dictature qui gère le pays au jour le jour ; une dictature où le régime entreprend de détruire les cadres compétents et à les éloigner des centres de décisions économiques, culturels et sociaux. Le régime n’est même pas en mesure de travailler pour lui-même, c’est une situation qui laisse perplexe. Je ne pense pas que les hauts responsables eux-mêmes soient en mesure d’être fiers même vis-à-vis de leurs enfants de ce qui se passe en Algérie. Aussi je dis que les régimes arabes ont des similitudes mais le régime algérien est le plus sordide dans le domaine de la destruction de la conscience de la nation et des institutions. 
 
Le paradoxe est que l’Algérie est un pays d’une grande révolution. Comment est-on arrivé jusqu’à la destruction de la conscience de la nation et des institutions ?
 
La réponse à cette question nous amène à soulever des interrogations. Détruit-on cette nation ? Détruit-on cet héritage révolutionnaire au profit de tiers ? Et qui sont ces tiers ? Voilà de grands points d’interrogations. Mais je ne peux pas spéculer et dire que le régime politique sert tel ou tel Etat. La seule chose certaine est qu’il existe un plan pour détruire la nation dans ses institutions et dans sa conscience. 
Le résultat que l’on voit est cette tendance forte à l’égoïsme, à l’individualisme ; il n’existe pas au sein de la société de lutte pour les principes, pour l’Etat de droit, pour la justice et la liberté. Il y a des luttes sociales pour des revendications matérielles pour un secteur ou pour une catégorie. Cela vaut également pour la profession d’avocat qui en tant qu’institution de défense doit normalement mettre fin à une situation où le pouvoir judiciaire est entre les mains d’un régime. Dans cette profession, au cours de la dernière décennie, on ne s’est pas insurgé quand des affaires de torture ont été posées, quand des citoyens ont été tués dans des prisons, quand les tribunaux spéciaux ont été mis en place. Durant toute cette période, cette profession a été absente mais elle s’est subitement manifestée quand a été soumise la loi régissant la profession d’avocat. Soyons clairs, les revendications des avocats sont légitimes  mais leur acceptation de la situation qui a prévalue, leur acceptation de se transformer en pur décor, sont des indices de situation de destruction des consciences.
 
Mais l’Algérie a perdu durant les deux décennies les catégories sociales – médecins, professeurs et autres intellectuels – qui pouvaient réellement soulever les questions des libertés et des droits collectifs. N’est-ce pas cet exil massif qui explique que cette revendication est entravée. Les questions des libertés peuvent-elles aujourd’hui être prises en charge d’un point de vue plus large 
 
Il est certain que l’hémorragie qu’a connue la classe moyenne a eu une incidence négative sur le parcours des luttes. Mais cela est insuffisant pour expliquer la situation. Prenons l’exemple du Pakistan qui subit ce qu’on appelle le terrorisme. Quand le régime a commencé à porter atteinte aux droits de l’homme et a eu recours à la torture, le pouvoir judiciaire incarné par le président de la Cour suprême a convoqué le premier responsable de la sécurité au Pakistan qui avait le grade de général. Une situation qui avait poussé le président du Pakistan à le démettre et à mettre fin à ses fonctions. Les avocats sont alors sortis dans des manifestations et ont exercé des pressions sur le président jusqu’à le pousser à la démission. Ce sont des magistrats et des avocats du Pakistan… La même situation prévaut en Algérie mais je ne connais pas un seul juge qui a la capacité ou le courage moral de convoquer un responsable, sécuritaire ou non sécuritaire. Au cours des deux dernières semaines, dans le cadre du procès des cadres de la sûreté nationale parmi lesquels se trouve M.Oultache, les avocats ont demandé un document établi par l’administration de la sûreté nationale soulignant la légalité des contrats conclus. Il n’aurait pas été honteux si le juge demande le document et que l’administration de la sûreté nationale refuse de le transmettre. Mais le plus grave est que le juge qui est tenu par la Constitution, laquelle souligne qu’il n’est soumis qu’à la loi et à sa conscience, n’a pas osé demander ce document ! Ce juge algérien pourra-t-il convoquer un général alors qu’il n’a même pas osé demander un document…. ?
 
Pourquoi les magistrats algériens sont si timorés, selon vous ?
 
Pour la simple raison que les appareils sécuritaires sont au-dessus des institutions et que la magistrature en Algérie est une fonction. Le juge ressent qu’il est un fonctionnaire révocable à tout moment et qu’il est sans protection. Il peut être mis fin à ses fonctions par un simple fax. Aussi n’ose-t-il pas convoquer un responsable d’une institution. Peut-être qu’on ne lui a pas demandé de ne pas le faire, mais il ne le fait de lui-même, par peur… Le ministère de la justice n’a plus besoin de faire usage du téléphone pour demander aux juges ce qu’ils doivent faire. Ces juges connaissent les tendances du régime. Et la tendance en vigueur est que plus vous êtes durs et plus vous êtes en phase avec le régime. Et plus vous êtes en phase et moins vous avez de craintes pour votre carrière professionnelle. Et plus vous cherchez à appliquer la loi et à agir selon la conscience, plus vous avez des raisons d’avoir peur pour votre carrière. C’est ainsi que naît une autocensure…
 
Ce sont ces juges qui superviseront les prochaines élections !
 
Une journaliste m’a dit que le ministre (de la justice) défiait quiconque de lui citer un seul exemple d’une ingérence du ministère dans le travail des juges. Je lui ai répondu : j’aurais souhaité que le ministre prenne quotidiennement son téléphone pour parler aux juges afin qu’il leur dise que telle ou telle affaire a un lien avec l’image de l’Etat et de ses intérêts et qu’ils doivent veiller à appliquer la loi afin que les Algériens ne soient pas ridiculisés. Le problème est qu’ils ont poussé les magistrats à s’adapter et à se normaliser et à suivre le régime sans qu’il ait besoin de le leur demander. Prenons l’exemple des évènements de janvier 2011. En une semaine, il y a eu des centaines de jeunes arrêtés, 1200 jeunes ont été poursuivis et 600 ont été condamnés et emprisonnés pour l’accusation d’avoir commis des infractions d’incendie, de destruction…. Une semaine plus tard, tous les détenus, de Bir Al Ater à Maghnia ont été élargis. L’affaire ne concernait pas un seul tribunal mais tous les tribunaux et cela est affligeant. Du point de vue social, nous avons accueilli de manière positive l’amélioration des rémunérations des juges. 
On se disait qu’ils ont ainsi les moyens de ne pas se soumettre aux pressions du pouvoir exécutif, mais rien de tel n’est arrivé car nous ne sommes pas dans un Etat de droit.  Quand le ministre de l’intérieur clame qu’il n’agréera pas des partis, on donne une idée de la manière dans les affaires publiques sont gérées. Et on fabrique des hommes et des femmes qui ne croient pas à l’idée de la loi. Je vous cite un exemple que peu osent évoquer. Je reçois, en tant que président de la Laddh, des lettres d’algériens qui ont quitté l’Algérie en 1966 et qui sont accusés d’être des harkis. Ils me disent qu’ils sont interdits de passeport et interdit de se rendre en Algérie. On leur dit qu’ils sont sur une « liste noire ». La question qui se pose est : qui a établi cette liste noire ? Et qu’elle est la place de la loi dans cela ? Existe-t-il un droit de recours contre cette liste ? Dans un Etat de droit, on doit connaître l’institution qui a établi cette liste et sur quelle base et si ceux dont le nom est cité ont un droit de recours. Il n’existe aucune institution qui peut corriger cette situation. Il est incroyable que la loi soit si peu présente à ce point ! C’est ce qui démontre bien qu’il y a une destruction de la conscience morale et professionnelle. Et du moment que nous parlons de la supervision des élections par les juges, je vous rappelle que cela n’a rien de nouveau. Je vous donne un exemple. Un confrère avocat dans une des wilayas du pays a présenté une liste électorale pour les élections. La liste a été rejetée par la Wilaya. L’avocat fait un recours devant le tribunal administratif. La wilaya a présenté le dossier des services de sécurité au tribunal administratif. La loi oblige qu’une copie soit donnée à la partie adverse mais le juge a refusé de le faire sous le prétexte que le dossier comporte des enquêtes sécuritaires. L’avocat qui aurait dû se retirer ne l’a pas fait. Il est arrivé à l’idée que l’Etat est au-dessus de la loi. Et c’est une idée qui s’est ancrée dans la société.

On a donc créé une sacralisation des rapports des services de sécurité ?
 
De fait, car ces rapports sont pris en haute considération par l’appareil judiciaire. Je vous cite le cas d’une affaire de douaniers. Quand des accusés viennent devant le juge et disent qu’ils ont fait des déclarations sous la torture qui a été pratiquée contre eux par les services de sécurité, normalement le procureur de la République ouvre une enquête sur ces accusations. D’autant que l’Algérie a ratifié les accords internationaux contre la torture. Il n’en est rien.
 
Cela signifie que la justice n’a pas de sens et que les rapports sécuritaires sont essentiels.
 
C’est juste. Le danger est que nous tous, citoyens ou professionnels du secteur de la justice, nous en arrivons à banaliser la torture
 
Les victimes elles-mêmes ont tendance à penser que ce qui leur arrive est normal ?
 
Je ne fais pas de reproche au citoyen ordinaire. Le plus grave est la situation de démission collective des avocats, journalistes, intellectuels et élites au sens large. La loi ne peut s’appliquer que dans un Etat réellement démocratique où la séparation des pouvoirs est une réalité.
 
Mais dans le cas des affaires de corruption, le problème ne réside-t-il pas aussi dans un problème de spécialisation des juges ?
 
Il y a des juges spécialisés même si leur formation n’est pas parfaite. Mais le problème n’est pas dans la formation. Je pense que la véritable corruption n’arrive pas devant les tribunaux. Dans l’affaire des cadres de la sûreté nationale, le contrat conclu avec la société ABM est bien meilleur que les autres contrats. Mais ceux-ci sont poursuivis, comme d’autres, de manière sélective qui ne convainc ni les juges, ni la défense. Comme vous le savez, les poursuites relèvent du procureur général et du procureur de la République, tous deux sont soumis au pouvoir exécutif. Le plus grand exemple a été l’affaire Khalifa. C’est une seule affaire dans laquelle certains ont été poursuivis et d’autres non. Or les faits se rapportant à ceux qui n’ont pas été poursuivis sont plus graves que ceux pour lesquels les autres ont été poursuivis. Qui donc décide qui doit être poursuivi et qui ne doit pas l’être ? Le régime, le pouvoir exécutif, bien sûr !  Quand le dossier arrive chez le juge, ceux qui ont été désignés par le régime sont poursuivis, ceux qui ont été exclus des poursuites par lui ne le sont pas. L’odeur de la politique et de règlement de comptes domine à l’ombre de cette gestion sélective. En outre, la loi anticorruption qui a été promulguée encourage la corruption. Je vous donne un exemple. Un tribunal à Alger a condamné une dame travaillant dans le service des impôts à deux ans de prison ferme pour avoir dilapidé 1400 dinars. A l’opposé, il y a quelques jours un autre tribunal a condamné à trois ans de prison ferme une personne accusée d’avoir détournée 60 milliards de centimes ! Pourquoi ? Parce que la loi met sur le même pied d’égalité celui qui vole un dinar et celui qui vole tout un pays ! Ceux qui pillent un pays sont ceux qui sont à des postes de haute responsabilité et après ce pillage, la pire des sanctions est de 10 ans de prison. Le résultat est que la corruption est encouragée puisque que voler un téléphone portable et voler 100 millions d’euros revient au même ! La législation a donc été mise en place avec une intention malsaine et non pour lutter contre la corruption. Notre grand problème est que nous avons démissionné ! Nous avons acquis la conviction que nous ne pouvons rien faire et c’est une erreur. Les luttes menées par les gens le sont, souvent, pour des calculs mesquins… Je milite pour devenir député, pour obtenir ceci ou cela… Même dans le langage social on dit un « tel règle » les affaires, un tel est une « charika guadra »….  Au plan social, ceux qui sont honnêtes sont à la marge.
 
Comment un juge qui est censé assurer la protection du citoyen par la loi peut-il le faire alors qu’il n’a aucune garantie professionnelle et qu’il est révocable à tout moment. Comment la loi peut-elle régner dans tel pays ?
 
Au cours des 20 dernières années, on a connu un véritable problème de formation qui a nui à la classe moyenne et aux intellectuels. Les universités ne sont plus un lieu de réflexion et de luttes, mais des centres de formation professionnelle. Quand le titulaire d’une licence en psychologie, en sociologie ou en droit aborde les choses avec la même logique de celui qui est sans instruction, il y a un problème. La seule différence est que celui qui a un diplôme connaît des articles de lois, mais cela en fait un technicien, pas un universitaire. Le mal est profond. Au moment des évènements de janvier 2011, j’ai adressé une lettre au bâtonnier national dans laquelle je faisais valoir que les jeunes poursuivis sont des pauvres qui n’ont pas pu exprimer leurs préoccupations de manière pacifique et qu’ils sont des victimes d’un régime autoritaire. J’ai appelé à ce que le syndicat constitue des groupes d’avocats pour les défendre. Le bâtonnier ne m’a pas répondu. Il a déclaré cependant à la presse : « nous on ne se mêle pas de politique ». Une attitude qui est tout le contraire de ce qui s’est passé après les évènements d’octobre 1988. Le syndicat des avocats s’était constitué au niveau national pour défendre toutes les victimes. Il y a une régression grave dans les professions juridiques, dans les universités et ailleurs.
 
Le changement est-il possible en Algérie ?
 
Il est possible ! Mais les élites doivent sortir de leur silence. Quand le président décide quatre mois avant l’élection de changer la constitution sans que les enseignants universitaires, les professeurs de droit et de sciences politiques, ne bougent pour dire que cela ne se fait pas, cela nous donne une idée de l’état de démission collective de la classe instruite dans ce pays.
 
Existe-t-il une possibilité de changement de régime ou bien ce changement va être reporté et ne viendra que de manière violente ?
 
Je crois en la mort naturelle d’un régime corrompu. J’aurais souhaité que ceux qui sont en charge de la gestion de ce régime permettent sa mort naturelle et aillent vers un transfert pacifique du pouvoir. Malheureusement, les indices vont dans le sens contraire. Je pense que les lois qui ont été adoptées et les partis qui ont été agréés confirment que le régime est dans une stratégie d’autoperpétuation. C’est grave pour le pays. C’est même dangereux pour eux peut-être… Car si le changement pacifique n’a pas lieu, l’explosion viendra. Et si l’explosion a lieu, cela veut dire de la violence et des destructions. J’ai la conviction que tous les changements violents ne mènent pas nécessairement à la démocratie. Ceux qui disposent de la légitimité des armes se donnent la légitimité… et notre expérience depuis l’indépendance pourrait se répéter. Aussi, j’espère qu’ils penseront à leurs propres enfants et auront peur pour leur avenir.

samedi 14 avril 2012

Les vérités de Ben Bella


Ben Bella: Ma vérité sur l'assassinat de Khemisti

Les nouvelles révélations de Ben Bella
« J'ai rédigé la Constitution avec un membre des Frères musulmans »
 Ma vérité sur l'assassinat de Khemisti
 Pourquoi Chaâbani a été exécuté
 Comment j'ai emprisonné mes opposants

Ahmed Ben Bella, l'ancien Président de la République, revient dans cette partie, la quatrième que Le Matin publie, sur les assassinats politiques commis par son pouvoir contre ses compagnons de la Révolution et les divergences ayant opposé ces derniers au lendemain de l'indépendance à un homme qui avait pris le pouvoir avec le soutien de l'armée des frontières dirigée par Houari Boumediène, Abdelaziz Bouteflika, Kaïd Ahmed et Medeghri. Les trois premières parties que nous avons commencées à livrer intégralement aux lecteurs à partir du 18 janvier dernier se sont articulées autour des répliques de Ahmed Ben Bella aux réactions de certaines personnalités et de la ministre de la Communication à propos de ses attaques contre Abane Ramdane. Dans ce dernier épisode, Ben Bella est « acculé » par l'animateur de la télévision Al Jazira qui lui a apporté la contradiction sur la nature de son pouvoir, à l'origine des conflits entre compagnons d'armes, et la liquidation d'un certain nombre d'entre eux, dont Khemisti et le colonel Chaâbani. Ben Bella avoue, à cette occasion, qu'il avait rédigé la Constitution, le texte auquel s'est opposé Ferhat Abbas, alors président de l'Assemblée nationale, avec un membre des Frères musulmans. Sur cette lancée, l'ancien Président de la République réitère son soutien à Bouteflika et à sa politique de réconciliation nationale.

>Al Jazira : Concernant l'assassinat de Khemisti, ministre des Affaires étrangères (de 1962 à 1963), quelle est votre version des faits ?
>Ben Bella : Je le connais bien. C'est l'un des hommes les plus intègres. Nous sommes originaires de la même ville. Je vais vous dire, il s'agit d'une affaire privée. Il a été assassiné par un homme qui le considérait comme son rival à propos d'une femme, alors que Khemisti ignorait que sa fiancée était déjà engagée.

>On dit également que son assassin a été poussé à commettre ce crime pour faire passer un assassinat politique pour un crime passionnel
Non, c'est faux.

>Vous confirmez donc qu'il n'y avait pas de motif politique même si Bouteflika lui a succédé ?
Absolument. Lors de son arrestation, son assassin a déclaré qu'il l'avait tué parce qu'il était à la solde de la France. Mais en réalité, ce n'était pas là le motif. Tout le monde sait que cela n'est absolument pas vrai. Aujourd'hui, des rues portent le nom de Khemisti et cela prouve l'admiration que lui portait le peuple, et le peuple ne se trompe pas.

>L'assassinat de Khemisti n'était donc pas le résultat de luttes politiques
Non, on a même essayé d'accuser Khider d'être derrière cet assassinat, mais il en est incapable.

>Le 17 mars 1963, le colonel Boumediène a été désigné premier vice-Président de la République. C'est vous qui l'aviez recruté comme militant, alors qu'il était étudiant à l'université d'El Azhar
Oui, c'est juste.

>Vous avez tissé avec lui des liens très forts. Vous vous êtes soutenus mutuellement au cours des luttes opposant les dirigeants de la Révolution. C'était un chef militaire, et on a dit que vous étiez entré dans la capitale (à l'indépendance) sous la protection de ses chars, même si vous niez cela. Etiez-vous convaincu de votre démarche ou bien avait-il de l'ascendant sur vous, ce qui vous a obligé à le faire ?
En réalité, il y a eu une crise au sein du parti. Je voulais en finir avec cette crise et avec la France coloniale. Je devais trouver des cadres jeunes et révolutionnaires pour porter cette révolution sur les plans économique, culturel et autres. Il fallait opérer des changements au niveau des responsables en puisant dans l'Armée de libération. C'est ce qui explique que mon choix s'est porté sur Boumediène, Bouteflika, Medeghri et d'autres.

>Vous avez commencé à préparer le terrain du pouvoir à l'Armée de libération en choisissant ces personnes
Non. Boumaza et Mahsas n'étaient pas de l'armée. Pas plus que Nekkache, qui était un grand homme, et Zahouane. Le bureau politique n'était pas constitué exclusivement de membres de l'Armée de libération.

>Quand vous faites appel au chef des armées et ministre de la Défense, et le désignez comme premier vice-Président de la République, vous confirmez que vous êtes en train d'introduire l'armée dans le système politique
Ce n'est pas une armée classique. C'est une armée qui était au maquis.

>Au moment où vous vous êtes rapproché de Boumediène, de Bouteflika, de Boumaza, vous avez commencé à vous débarrasser de vos opposants
Non, non.

>En 1963, vous avez arrêté et emprisonné Boudiaf, votre compagnon d'armes.
Non, il n'était pas emprisonné.

>Il était emprisonné dans des conditions dignes de l'enfer, comme il l'a décrit lui-même. Vous avez placé Ferhat Abbas en résidence surveillée à Adrar, alors qu'il avait occupé les fonctions de chef des deux premiers gouvernements provisoires, qu'il avait été le président de la première Assemblée nationale, qu'il était une figure emblématique de la Révolution algérienne. Il appelait au multipartisme, à la démocratie et au respect du choix du peuple. Vous avez refusé ses thèses et l'avez placé en résidence surveillée à Adrar (sud de l'Algérie, ndt)
Non tout cela découle d'une lecture au premier degré.

>Alors, expliquez-nous
Aucun d'eux n'a été emprisonné. Ils étaient en résidence surveillée.

>Mais c'est tout de même une prison
Non. C'est une résidence dans une ville où il a une liberté de mouvement totale.

>Non, il s'agit là de résider emprisonné dans une maison située à l'intérieur d'une caserne. Vous avez placé Khider au fin fond du Sud algérien.
A Adrar. Oui, c'est cela, au Sud.

>Monsieur le Président, pourquoi avoir eu recours à cela ?
Il fallait opérer un tri après la révolution. En toute franchise, il fallait empêcher que les richesses du pays soient mal distribuées ou distribuées à la manière capitaliste, et que le pouvoir soit celui des riches. Ferhat Abbas n'était pas d'accord. Ni Khider d'ailleurs qui ne soutenait pas l'autogestion. Ils avaient voté contre au Parlement.

>Vous qui en avez payé les frais, est-ce que des différends d'ordre politique peuvent expliquer qu'après une longue période de lutte, d'exil, de révolution, de peine, des militants en arrivent à s'entretuer, à s'exiler et à s'emprisonner les uns les autres ?
L'exil oui, c'est possible, mais la prison, non.

>Vous pensiez avoir raison ou avez-vous songé que les autres pouvaient avoir raison ?
Je ne pouvais pas donner des domaines agricoles de 5 000 hectares à un Algérien qui allait devenir, au bout de quelques années, un colon français de par sa mentalité.

>Ce que vous avez réalisé à cette époque, Monsieur le Président, qu'est-ce qui a empêché le peuple algérien d'en profiter ?
Celui qui est responsable, c'est l'ordre mondial. Je puis vous l'assurer. Je ne veux pas rentrer dans les détails du putsch, etc.

>Parce que vos compagnons, tels que Aït Ahmed, Boudiaf, Ferhat Abbas, ont dit qu'avec Ben Bella était venu le temps des enlèvements, des emprisonnements, de la dictature et du refus aux militants d'exprimer leurs points de vue.
Au contraire, j'ai ordonné la fermeture du tiers des prisons. J'ai même fermé la prison de Serkadji. Ce n'est pas pour me vanter, mais le peuple algérien était avec moi. C'était là ma force.

>Vous dites que le peuple était avec vous. Cependant, vous n'avez trouvé personne à vos côtés lorsque vous avez été renversé
C'est parce que le peuple en avait assez de sept années de lutte pour l'indépendance.

>Pourquoi avez-vous mis Boudiaf en prison ?
Je n'ai pas mis Boudiaf en prison.

>Alors, tout ce qu'on a écrit est faux
Oui, c'est faux. Il était en résidence surveillée.

>Quelle différence avec la prison ?
J'étais moi-même en résidence surveillée à ma sortie de prison. Avec des militaires chargés de me surveiller et qui habitaient à l'intérieur de la résidence. Mes visiteurs devaient décliner leur identité.

>Quand Ferhat Abbas a démissionné en 1963, il en a fait savoir la raison, à savoir son désaccord avec le projet de la Constitution rédigé par le FLN
C'est là qu'est apparu le désaccord. Il a présenté un texte qui prônait le capitalisme, et moi j'ai proposé un texte que j'avais rédigé avec l'aide de Chaouli, qui était des Frères musulmans et conseiller à la Présidence. Ferhat Abbas était pour le libéralisme. Moi je ne l'étais pas. Et la suite m'a donné raison. Le libéralisme est une catastrophe.

>C'est le libéralisme ou le socialisme qui est une catastrophe ?
Le libéralisme.

>Le socialisme a conduit à la famine
Il a conduit à la famine, mais il a essayé d'éviter certaines choses.

>Il a fait que des pays ont 50 milliards de dollars de dette. Un pays riche en pétrole et en gaz qui vit dans la misère
Le problème, c'est l'ordre mondial

>Le problème se trouve à l'intérieur des régimes
Le problème existe depuis la découverte de l'Amérique, la chute de Grenade et l'affaiblissement du rôle des Arabes sur le plan politique. C'est en 1492 que cela a commencé. Le capitalisme est apparu suivi du colonialisme. Qui plus est nous ne sommes indépendants que depuis quarante ans.


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>Le 9 juillet 1963 à Tizi Ouzou, Hocine Aït Ahmed, avec l'aide de Mohamed Oulhadj, le chef militaire de cette wilaya, a organisé sa rébellion dans la région de Tizi Ouzou. C'est donc là une rébellion militaire à votre pouvoir
(rires) Essayez d'avancer avec des transitions pour que je vous suive.

>J'essaye de m'intéresser à tous les leaders de la révolution et qui partageaient les mêmes idéaux
Aït Ahmed n'a jamais été avec moi. Pas une seule fois. Il était avec nous le 1er novembre.

>Il était avec vous en prison
Oui, il était avec moi. Mais dès cette époque, nous avions des divergences sur la Kabylie. Mais le problème entre lui et moi est apparu en fait lorsque nous sommes rentrés à Alger (à l'indépendance, ndlr). Le problème était un problème de pouvoir. Le problème de l'amazighité n'avait pas été posé à cette époque. Il l'a été bien après. Il y a quelque chose que je dois vous révéler cependant, c'est que ce problème d'amazighité m'a été posé par Mammeri qui est un enseignant connu. Il avait sollicité mon accord pour la création d'une filière amazighe (à l'université). J'ai accepté, cependant il n'a eu que trois étudiants en trois ans. C'est un fait que les gens ignorent. Mais la question de l'amazighité ne se posait pas à cette époque.

>Cette rébellion s'est poursuivie jusqu'au 17 octobre 1964, jusqu'à l'arrestation de Hocine Aït Ahmed
Oui.

>Donc, si l'on ajoute à cela Mohamed Boudiaf en prison, Ferhat Abbas au Sud, votre ami Khider à l'étranger, vous vous êtes débarrassé de tous vos compagnons d'armes. C'est quoi cette révolution ?
(Rires). Vous avez une lecture des faits bien singulière. C'est comme cela dans la vie. Des personnes en bons termes aujourd'hui peuvent ne plus l'être demain. Je sais que mes paroles peuvent choquer. Je suis musulman et je vous fait référence aux compagnons du Prophète Mohammed, Zoubeir et Talha, pourquoi n'ont-ils pas trouvé un terrain d'entente avec Ali ? Bon, Je suis musulman et croyant, en réalité je ne veux pas confondre les uns avec les autres. L'histoire des compagnons du prophète est une autre chose. Mais c'est cela la vie. Quand Aït Ahmed est monté au maquis, il y a eu environ 500 morts. Au bureau politique, j'étais le seul à m'opposer à son exécution.

>Mais beaucoup sont morts
Oui, mais ce n'est pas moi qui les ai tués, dont Chabani que Dieu ait son âme !

>Dans quelles circonstances est-il mort ?
C'était un homme de valeur. Son problème est qu'il a refusé le système et l'armée unique, et il s'est rebellé à deux reprises. La première fois avec l'affaire de Tindouf, mais aussi celle de Tizi Ouzou. On y reviendra. Il avait participé à la rébellion de Tizi Ouzou, j'ai réussi à le convaincre de se rendre et je l'ai libéré quelques instants après son arrestation, conformément à la promesse que je lui avais faite. Seulement, il s'est rebellé une seconde fois. Je l'ai supplié de se rendre pendant deux heures au téléphone en lui disant que cette fois-ci, je ne répondrai pas de son sort. Je lui ai envoyé trois délégations dans ce sens, mais il a refusé d'entendre. Après qu'il eut été arrêté, il a été jugé par un tribunal militaire et exécuté. Après ma sortie de prison, sa propre mère est venue me rendre visite et m'a dit : « J'étais près de mon fils quand vous lui parliez au téléphone. Je sais que ce n'est pas vous qui avez ordonné son exécution. »
C'est tout ce que j'ai à vous dire à ce sujet.

>Monsieur le Président
Je vais vous dire autre chose. J'ai été renversé en tant que Président. Mais s'ils ne l'avaient pas fait, l'Amérique l'aurait fait. Si je me suis trompé, j'en ai payé le prix pendant quinze ans (d'emprisonnement, ndt). Si ce sont eux qui se sont trompés, que Dieu leur pardonne.
Aujourd'hui, je soutiens le Président Bouteflika dans sa politique de réconciliation nationale. Non pas pour lui en tant que personne, mais pour aider le peuple algérien.
http://www.kabyle.com/forum/salon-di...-khemisti.html
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  #3
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Je vais vous dire autre chose. J'ai été renversé en tant que Président. Mais s'ils ne l'avaient pas fait, l'Amérique l'aurait fait. Si je me suis trompé, j'en ai payé le prix pendant quinze ans (d'emprisonnement, ndt). Si ce sont eux qui se sont trompés, que Dieu leur pardonne.
Aujourd'hui, je soutiens le Président Bouteflika dans sa politique de réconciliation nationale. Non pas pour lui en tant que personne, mais pour aider le peuple algérien.


vendredi 13 avril 2012

La face cachée des empires coloniaux


Une très pertinente analyse des processus coloniaux, des véritables bénéficiaires des guerres coloniales et du rôle caché du lobby militaro-industriel des USA qui est le plus vorace et le plus insidieux système d'exploitation des ressources des peuples

Aricle piqué dans La Nation et consultable sur ce lien : 

http://www.lanation.info/Les-Empires-hier-et-aujourd-hui_a882.html?TOKEN_RETURN

 Les Empires, hier et aujourd’hui

Paul Craig Roberts
Lundi 9 Avril 2012

De grands empires, comme les empires Romain et Britannique, étaient des empires d'extraction. Les empires ont réussi parce que la valeur des ressources et de la richesse extraite des pays conquis a excédé la valeur de la conquête et de la gouvernance. La raison pour laquelle Rome n'a pas étendu son empire à l’est vers l'Allemagne n'était pas la prouesse militaire des tribus Germaniques, mais le calcul de Rome que le coût de la conquête excédait la valeur des ressources extractibles.

L'empire romain a échoué parce que les Romains ont épuisé leur main d'œuvre et leurs ressources dans des guerres civiles se battant entre eux pour le pouvoir. L'empire britannique a échoué parce que les Britannique se sont épuisés eux-mêmes en combattant l'Allemagne dans deux guerres mondiales.

Dans son livre, la Règle de l'Empire (2010), Timothy H. Parsons remplace le mythe de l'empire civilisateur par la vérité de l'empire d'extraction. Il décrit les succès des Romains, du Khalifat Omeyade, des Espagnols au Pérou, Napoléon en Italie et les Anglais en Inde et au Kenya dans l'extraction de ressources. Pour baisser le coût de la gestion du Kenya, les Britanniques ont initié la conscience tribale et inventé des coutumes tribales qui ont travaillé à l'avantage britannique.

Parsons n'examine pas l'empire américain, mais dans son introduction au livre il se demande si l'empire de l'Amérique est vraiment un empire puisque les Américains ne semblent pas en obtenir des avantages d'extraction. Après huit ans de guerre et la tentative d'occupation de l'Irak, tout ce que Washington a eu pour ses efforts est plusieurs trillions de dollars de dette supplémentaire et aucun pétrole irakien. Après dix ans de lutte de trillion dollars contre les Taliban en Afghanistan, Washington n'a rien à montrer pour cela sauf probablement une certaine partie du trafic de la drogue qui peut être utilisé pour financer des opérations secrètes s de la C.I.A.

Les guerres de l'Amérique sont très chères. Bush et Obama ont doublé la dette nationale et les Américains n'en ont eu aucun avantage (. Aucune richesse, ni pain ni cirque n’ont coulé vers les Américains grâce aux guerres de Washington. Alors de quoi s’agit-il?

La réponse est que l'empire de Washington retire des ressources aux Américains pour le bien de quelques groupes d'intérêt puissants, gérant l'Amérique. Le complexe de sécurité militaire, Wall Street, l'industrie agro-alimentaire et le Lobby d'Israël utilisent le gouvernement pour retirer des ressources aux Américains pour servir leurs profits et leur puissance. La constitution des EU a été utilisée dans les intérêts de la Sécurité d’Etat et les revenus des Américains ont été redirigés vers les poches des 1 pour cent. C'est comme cela que l'Empire américain fonctionne.
Le Nouvel Empire est différent. Il survient sans réaliser de conquête. L'armée américaine n'a pas conquis l'Irak et en a été sortie de force politiquement par le gouvernement fantoche que Washington y a établi. Il n'y a aucune victoire en Afghanistan et, après, une décennie, l'armée américaine ne contrôle pas le pays.

Dans le Nouvel Empire, le succès en guerre n'importe plus. L'extraction a lieu par le fait d’être en guerre. Des sommes énormes de l'argent des contribuables américains ont été injectées dans les industries d'armements américaines et une quantité énorme de pouvoir dans la Sécurité intérieure. L'empire américain fonctionne en dépouillant les Américains de leur fortune et de leur liberté.

C’est pourquoi les guerres ne peuvent pas finir, ou si l’une finit vraiment, une autre démarre. Souvenez-vous quand Obama est entré en fonctions et on lui a demandé quelle était la mission des EU en Afghanistan ? Il a répondu qu'il ne savait pas ce que la mission était et que la mission avait besoin d'être définie.

Obama n'a jamais défini la mission. Il a repris la guerre Afghane sans nous dire son but. Obama ne peut pas dire aux Américains que le but de la guerre est de construire la puissance et le bénéfice du complexe militaro-/sécuritaire aux dépens des citoyens américains.

Cette vérité ne signifie pas que les objets de l'agression militaire américaine s’en sont sortis sans pertes. Un grand nombre de Musulmans ont été bombardés et assassinés et leurs économies et infrastructure ruinées, mais pas pour les dépouiller de leurs ressources.

Il est ironique que sous le Nouvel Empire, les citoyens de l'empire soient dépouillés de leur fortune et de leur liberté pour extraire des vies des populations étrangères ciblées. Comme les Musulmans bombardés et assassinés, les Américains sont les victimes de l'empire américain.

Paul Craig Roberts était le Secrétaire adjoint du Trésor pour la Politique économique et le rédacteur en chef adjoint du Wall Street Journal. Il était le chroniqueur de Business Week, Scripps Howard News Service et le de Creators Syndicate. Il a eu beaucoup de nominations universitaires. Ses colonnes Internet ont attiré un suivi mondial.

Article paru dans http://www.paulcraigroberts.org/ et traduit pour La Nation par Hadj Ben

Calife à Tlemcen, martyr à Fès

Au moment où l'Algérie enterre son premier président, n'est-il pas opportun de rappeler certains faits historiques  pas si anciens que ça...voici la vie chevaleresque du dernier calife de l'Emir Abdelkader...trahi par le Sultan du Maroc en application du traité de Tanger liant son pays à la France coloniale...mettant fin à la guerre sainte menée par l'Emir...Abdelkader Ibnou Mahieddine...

La glorieuse vie de Bou Hamidi (1803 ?– 1847)

Abou Abdallah Mohammed Al Bou Hamidi est né vers 1803 dans la tribu des Oulhaças non loin de Béni Saf. Le territoire de la tribu s’étend jusqu’à la frontière Algéro-Marocaine. Pour l’histoire, la première rencontre entre celui qui sera sans doute le plus vaillant et le plus fidèle des Khalifa de l’Emir Abdelkader, et le fils de Mahieddine aura lieu durant leur éducation dans la zaouïa du père de l’Emir. Un peu plus âgé que son compagnon, Bou Hamidi malgré une corpulence fine et élancée, était fort musclé. A l’époque, l’enseignement était essentiellement assuré par les écoles dites coraniques. Cette rencontre allait cimenter entre les deux adolescents une amitié que ni le temps ni les épreuves de la guerre et de l’exil n’allaient entamer. C’est tout naturellement que lorsque l’armée coloniale entama l’occupation de l’Algérie, Bou Hamidi se retrouvera aux cotés de l’Emir afin d’organiser la résistance. Grâce à sa bravoure, sa témérité, sa parfaite maîtrise des armes ainsi que sa grande autorité, il sera fait Khalifa de Tlemcen, sa région natale. Il fera de l’ancienne capitale de Zianides un centre de rayonnement et de noblesse. La ville forte alors de plus de 20.000 âmes sera organisée jusqu’à devenir une importante forteresse et un modèle d’organisation. 

 

C’est de là que partiront les troupes, sous le commandement de Bou Hamidi, à l’assaut des villages et des tribus qui avaient prêté allégeance à l’ennemi. Cavalier redoutable et soldat infatigable, Bou Hamidi participera à toutes les batailles et sera de toutes les victoires. Car son autorité s’étalait en réalité des confins d’Oujda à la plaine de Sfisef, à une vingtaine de kilomètres de Mascara. Cet immense territoire sera le théâtre de nombreuses opérations guerrières. A la tête de près de 10.000 hommes, dont 6000 cavaliers, Bou Hamidi demeura pendant longtemps insaisissable. La guerre éclair qui faisait alors autorité chez l’armée de l’Emir n’avait aucun secret pour ce vaillant guerrier. Les historiens le signaleront dans la plupart des batailles de la région, depuis celle de la Macta en 1835 à celles de la Tafna, de Sidi Yaacoub et de la Sikkak durant l’année suivante. Dès la rupture du traité de la Tafna en 1839, et la proclamation du Djihad, le 18 novembre, à la tête de ses troupes, il sera le premier à reprendre les attaques contre l’armée française mais aussi contre les tribus oranaises qui avaient rejoint l’ennemi. En juin 1840, il s’attaqua à Mesr El Kébir en passant par la plaine des Andalouses. Depuis son quartier général d’El Malah, il poussera l’audace jusqu’aux murs d’Oran. Prônant l’offensive éclaire et le repli stratégique, il fera régner une totale insécurité dans les garnisons de Misserghin. De retour d’El Bordj où il venait de livrer bataille, il poussera l’audace jusqu’à pénétrer à l’intérieur du campement des Douaïrs à portée de canons de la place d’Oran et d’y enlever femmes et enfants. Pendant ce temps, Mustafa Ben Smaïl et ses hommes combattaient aux cotés des troupes d’occupation. C’est ce dernier, promu alors général, aidé de Ben Abdallah des Ouled Sidi Cheikh, qui attaquera Tlemcen. La scission provoquée chez les tribus de la région de Tlemcen allait favoriser l’arrivée de Bugeaud qui quittera Alger le 20 janvier 1842 et dont la troupe entra dans Tlemcen le 31 octobre. Bou Hamidi avait alors évacué la ville emportant ses fidèles vers Sebdou, puis vers l’exil au royaume du Maroc. L’installation de la Déïra d’Abdelkader dans les environs de la Moulouya, au nord d’Oujda ne se passera pas comme pourrait le faire croire l’appartenance à une même religion et à une même communauté. Très vite le sultan du Maroc sera amené par le traité de Tanger –entre la France et le royaume alaouite- à mener la vie dure aux partisans de l’Emir. Le Sultan Moulay Abderrahmane ordonna à ses troupes de harceler ses frères d’hier devenus trop encombrants. C’est ainsi que Bou Hamidi, demeuré jusqu’au bout fidèle à l’Emir aura sa part de vexations et de brimades. Rapidement les évènements s’accélérèrent ce qui incita Abdelkader à envoyer un émissaire auprès du Sultan. Ce fut naturellement vers Bou Hamidi – d’autant que l’Emir enregistrait de nombreuses défections dont celles de ses propres frères, ainsi que celles de Ibn Lahrach et de Berkani- qu’il se tournera. 

Un poème prémonitoire de l'Emir

Au moment du départ, l’Emir eut incontestablement une prémonition qui allait malheureusement se réaliser. Il composera, la voie étranglée par le terrible pressentiment un poème d’adieu à l’intention de la petite troupe. Arrivé à Fès, Bou Hamidi sera arrêté et disparu sans laisser de traces. Personne ne saura ni quand ni comment il sera assassiné dans les geôles du Sultan. Dans l’une de ses dernières missives à Lamoricière, l’Emir Abdelkader le priera de s’intéresser au sort réservé à son ami Bou Hamidi, afin qu’il puisse l’accompagner dans son exil. Cette trahison jettera le redoutable combattant dans les bras de son ennemi naturel, plutôt que de se rendre à un adversaire acharné. Les promesses du général français ne reçurent bien évidemment aucune suite du fait que le sort de Bou Hamidi avait été scellé en ce 3 décembre 1847 lorsqu’il franchit en toute confiance les portes du palais royal de Fès. Sa disparition sonnera le glas de la résistance héroïque du peuple algérien sous la bannière de l’Emir Abdelkader. En cette année du 50ème anniversaire de l’indépendance, nous célèbrerons également le 165ème anniversaire de la disparition de Bou Hamidi. Rappelons que depuis des années, des démarches ont bien été entamées par la fondation Emir Abdelkader pour donner son nom à Fornaka, cette coquette bourgade agricole qui jouxte les marais de la Mactaa. Là où le 28 juin 1835, à la tête des troupes de l’Emir, Bou Hamidi remporta une victoire éclatante sur l’armée du général Trézel. Apparemment sa reconnaissance et sa réhabilitation semblent poser problème quelque part! Il est tout de même bon de rappeler que grâce à un digne fils de la région des Oulhaças, le CEM de la petite bourgade de Louza, qui surplombe les marais de la Macta et la baie d’Arzew, porte le nom de ce vaillant combattant de l’Algérie profonde. C’est le président Bouteflika qui dévoilera la plaque commémorative le matin du 10 février 2004. 

Depuis, le nom de Bou Hamidi, celui qui empoisonne la mémoire des uns et des autres, continue de déranger des deux cotés de la Moulouya…Avant d’embarquer pour Toulon, l’Emir Abdelkader avait vainement attendu le retour de son compagnon des jours de gloire. En effet, dans les ultimes négociations avec la France, il avait été entendu que cette dernière, en se prévalant du fameux traité de Tanger du 10 septembre 1844, - signé un mois après la bataille de l’Isly, où l’armée Française décima, le 14 aout 1844, l’armée de sa majesté- avait promis d’intercéder auprès du sultan Moulay Abderrahmane afin que Bou Hamidi et ses compagnons puissent partir en exil avec l’Emir Abdelkader…


20 Aout 55, les blessures sont encore béantes

  Propos sur le 20 Aout 1955 à Philippeville/Skikda  Tout a commencé par une publication de Fadhela Morsly, dont le père était à l’époqu...