jeudi 27 juin 2013

La princesse qui venait de Sofia



Taille du texte normaleAgrandir la taille du texte  Reçue sans fastes particuliers, mais dans une profonde et sincère émotion, sans doute la première femme médecin étrangère venue de sa lointaine Bulgarie, et ce, juste au moment où le pays se relevait d’un insoutenable joug colonial.
50 ans après, Vera Kitova tombe dans les bras de son infirmière, celle qui l'a accompagné durant les premières années de l'indépendance, lorsque la jeune médecin Bulgare était venue soulager les Algériens au premières lueurs de l'indépendance retrouvée...arrivée en novembre 62, elle fera partie de la délégation médicale Bulgare...elle est allé ensuite travailler en Tunisie, à l’hôpital Charles Nicolle de Tunis...ensuite séjour studieux dans le service gastro du Pr Debré à Bichat...là elle fait un pélerinage à travers l'Algérie, ceci entrant dans le cadre du 50ème anniversaire de l'indépendance de l'Algérie...je l'ai accompagné pendant 3 jours, j'ai lu ses poèmes, j'ai vu perler son émotion et sa joie lors des retrouvailles avec les rares survivants de cette période...ensemble, nous avons célébré l'amiti
é entre les peuples...ce n'est pas un vain mot dans ma bouche car je sais plus que tous combien les soutiens à notre combat libérateur a été formidable et spontané...je penses également à mes amis du Maroc de la Tunisie, de la Libye, du Mali...qui ont apporté leurs petites et parfois grandes contributions...lorsque j'entends le mot de "révolutions arabe" ...j'esquisse un sourire...moqueur mais aussi condescendant...puis nous avons parlé d'Assia Djebbar...et de sa fantasia à travers les montagnes crayeuses du Dahra...sur les traces de sang de nos tortionnaires....si vous avez le temps tapez sur google Vera Tikova puis nous en parlerons..j’étais là lors de la rencontre avec sa toute première infirmière à l’hôpital de Mostaganem...c'était lors d'une petite soirée musicale avec du Chaabi et du Hawzi...et des chansons du répertoire Maghrébin...Youm el Djemaa de M'barek Soussi (bahjette Fès El Bali) et Youm Lekhmis de Bensehla...c'était mon éclipse à moi...et aussi l'anniversaire de ma fille qui était à mes cotés...elle sait que ça n'a pas été facile...ça aide à rester humble...
En effet, 50 ans après son passage, la sublime Vera Kitova, médecin, femme de lettres et artiste-peintre, revient à Mostaganem. Reçue comme une diva, cette femme médecin au long cours, qui assume avec panache ses 74 ans, est arrivée à l’aube de l’indépendance de l’Algérie, alors que, dans leur grande majorité, les hôpitaux algériens étaient totalement démunis de ressources humaines. La visite au niveau de l’hôpital Ernesto Che Guevara a été un grand moment d’émotion, surtout lorsque cette hôte de marque de l’Algérie s’est remémoré avec exactitude de l’emplacement des services. Elle parle alors avec spontanéité de l’accueil qu’elle avait reçu par le corps paramédical en activité à l’époque, car elle souligne qu’en cet automne 62, l’hôpital de Mostaganem était totalement démuni de médecins. Elle se souvient de ce jour du 10 novembre 1962, lorsque le président Ben Bella en personne reçoit la délégation bulgare à Alger et lui tient un discours dont elle se rappelle les moindres détails.
Notamment, lorsque leur hôte leur parle de l’état de délabrement du système sanitaire et surtout des besoins colossaux en médecins. Agée à l’époque d’à peine 24 ans, affectée à l’hôpital civil de Mostaganem, la fringante gastro-interniste s’était mise à l’ouvrage avec fougue et engouement afin d’assurer, dans les terribles conditions de l’après-guerre, un véritable service hospitalier à l’ensemble des malades qui affluaient de toutes parts, d’autant qu’à l’indépendance, la wilaya de Mostaganem s’étendait jusqu’à l’actuelle wilaya de Mascara et aussi à celle de Relizane.
Il fallait, dira-t-elle, tout organiser. Elle se souvient alors de l’engouement autour d’elle des jeunes infirmiers et infirmières qui s’attelaient à leur tâche avec un sens de l’engagement qui frisait le stakhanovisme. Elle n’a pas oublié l’accueil de «Monsieur Berbère, le directeur de l’époque, qui nous a demandé de nous répartir en fonctions des services et c’est ainsi que moi-même, je me suis occupée de la médecine «femme» avant de me consacrer à l’ouverture du service pédiatrie». Un service qu’elle a retrouvé complètement transformé et bien doté en personnels, ce qui me fait grandement plaisir, souligne-t-elle avec force.
Parlant du rythme de travail, elle se rappelle qu’elle et ses collègues de la délégation médicale bulgare travaillaient sans interruption. Nous étions obligés d’œuvrer jour et nuit et nous n’avions aucun répit face à l’afflux de malades qui venaient souvent de très loin et qui étaient totalement démunis. Personne ne nous forçait à travailler à ce rythme, mais c’était notre devoir que de donner le meilleur de nous-mêmes afin de soulager les patients. Dans un français impeccable, elle souligne combien la pratique médicale en Algérie lui a été utile à sa formation, insistant sur «le sens de la responsabilité que j’ai apprise ici, en Algérie».
Pour moi, dira-t-elle, «c’est en Algérie que j’ai pris conscience du rôle du médecin dans la société, surtout à travers les liens entre le praticien et son patient». Elle en a été tellement marquée que lorsque, une dizaine d’années plus tard, elle se retrouve à l’hôpital Bichat, dans les services du professeur Debré, ce dernier n’a pas manqué de remarquer son dynamisme et sa grande maîtrise des rapports médecin-malades. «Depuis, j’ai conscience que mon passage en Algérie a été très bénéfique pour ma propre formation».
En sus des ses compétences médicales avérées, l’hôte de Mostaganem a plusieurs cordes à son arc. C’est presque par omission qu’elle décline ses passions pour l’écriture et pour la peinture. Sous la conduite du Dr Hajije, elle est allée à la rencontre de l’Ecole régionale des beaux-arts, où le miniaturiste et peintre Hachemi Ameur aura sans doute ouvert de nouvelles perspectives de collaboration dont Mostaganem sera encore une fois le réceptacle.
En effet, Vera Kitova, quand bien s’en défend-elle, est une artiste de grand talent. Lors de ce bref séjour, elle n’a pas manqué de croquer quelques esquisses de ce qui deviendra sans doute une belle et généreuse exposition de peintures. L’occasion est trop belle pour qu’au prochain salon de l’art contemporain, dont on vient à peine de boucler la seconde édition, elle fasse partie des artistes-peintres invités, d’autant qu’elle n’a pas caché son profond désir de renouer les liens avec Mostaganem et ses frémissements très particuliers. Frémissements qui serviront certainement de trame à un livre que cette dame projette d’écrire afin d’immortaliser son passage à Mostaganem.

dimanche 16 juin 2013

Crémieux avait tout faux



Je viens de recevoir, comme une sublime offrande, ce texte d’un jeune juif algérien, transmis par un fidèle lecteur de «Boussayar». J’ai lu le texte d’un trait. J’ai retrouvé le cri d’un patriote dont le seul tort est d’être né juif. Juif Algérien à part entière et qui ne renie rien de son algérianité. Il a un rêve, celui de devenir le premier rabbin de l’Algérie Algérienne. Son texte force le respect. Il appelle aussi à la solidarité. Il ne s’agit pas pour ce qui me concerne, d’aller crier sur tous les toits que le combat de ce jeune homme est un combat pour la dignité, pas celle des autres, mais la nôtre, celle qui fait la force de ce pays. Car, je n’oublie pas combien, durant les années de la guerre de libération, un grand nombre de juifs n’ont pas hésité à soutenir, parfois avec les armes, notre combat libérateur. Bien sûr que je n’oublie pas mon combat singulier avec un autre juif d’Algérie, devenu ensuite sioniste et citoyen d’Israël, ni cette haine que ne cesse de véhiculer un autre nervi, chanteur de Malouf à temps perdu…pourtant, le cri de Naïm, c’est le prénom qu’il s’est choisi, me rappelle le combat solitaire et dangereux de Gisèle Halimi, cette avocate née juive de Tunisie et descendante de notre glorieuse Kahina, celle dont les deux fils feront partie des troupes berbères qui ont conquis l’Andalousie, sous la bannière de l’islam et sous la conduite du valeureux Tarik Ibn Zyad, un authentique berbère d’Algérie…Oui brave Naïm, puisque ni toi ni tes ancêtres n’avaient revendiqué l’application du décret Crémieux, puisque vous avez fait le choix de rester à coté des autres indigènes de ce pays, malgré l’appel du large, rien qu’à ce titre, tu mérites de nous…du respect, de la reconnaissance et de la considération…voici le récit bouleversant de ce jeune Algérien de confession hébraïque…

Moi Naïm, 24 ans, futur rabbin d’Algérie
L’Algérie, pour laquelle ils ont participé à la libération, est leur patrie. Avec les Algériens, ils partagent tout à l’exception de... la religion. Eux, ce sont les juifs d’Algérie. Aujourd’hui, ils continuent encore de se cacher pour mieux vivre. Portrait d’un jeune qui a choisi de sortir de son silence. 
Je n’ai que 24 ans. Mais j’ai déjà passé l’essentiel de ma vie à me cacher. A cacher mon secret, celui de ma famille, de mes semblables. Je suis Algérien. Avec mes concitoyens, je partage le ciel, la mer, la terre, les joies et les tristesses. Mais pas la religion. Aujourd’hui, après des études de droit, je pars à l’étranger pour intégrer une école hébraïque afin d’approfondir mes connaissances et me spécialiser dans l’étude du culte nord-africain et du judaïsme algérien en particulier. Je voudrais devenir le futur rabbin d’Algérie pour qu’enfin, un jour, nous puissions célébrer la foi en hachem sur cette terre, en liberté, dans la sérénité et dans le partage, en respectant les lois de la République et du vivre-ensemble.
Je m’appelle Naïm et je suis juif toshavim. Je suis né un certain été 1988 à Alger. Il faisait beau. Rien n’indiquait que l’automne allait prendre un dramatique tournant dans la vie tourmentée de mon pays. Malgré cela, ma famille a toujours refusé de quitter l’Algérie et est restée liée à son histoire depuis des siècles. En 1962, alors que de nombreux juifs partaient dans la précipitation, emportés par les bruits qui couraient selon lesquels les juifs seraient tous «massacrés», mon grand-père décida de rester. «Ici, c’est notre terre. Elle a vu naître tes parents et tes aïeuls et nous n’avons nulle part où aller», répétait-il à chaque discussion.
Mes parents étaient bien tentés de faire leur alya en Israël, mais mon grand-père les en a dissuadés. «En 1963, Israël avait interdit aux Algériens de faire l’alya comme les autres juifs du monde. Le procès intenté au judaïsme algérien et aux juifs d’Algérie en 1963 à Jérusalem était une honte et un mépris envers nous. Sous prétexte que nous n’avons pas fait l’alya en masse et que nous étions particuliers. Mais nous sommes fiers d’être ce que nous sommes. Il ne faut rien espérer des autres. Faisons confiance à nos frères algériens. Promets-moi de rester ici coûte que coûte, mon fils», disait-il à mon père.

Engagement
Mon grand-père, à l’époque commerçant à Znikat Laârayass dans La Basse Casbah, aidait ses frères moudjahidine. Son frère s’était même engagé dans l’Armée de libération nationale. C’est un chahid. Aujourd’hui encore, les vieux et les vieilles de La Casbah se souviennent de l’engagement de ma famille dans la Révolution. La France nous a causé du tort, car elle nous a assimilés puis francisés par ce sordide décret Crémieux*. «La France interdisait à nos frères juifs d’être enterrés sur son sol. Avec ce décret, elle voulait nous séparer de nos frères musulmans et nous mettre dans l’embarras», expliquait doctement mon grand-père. Il portait l’Algérie dans son cœur et ne voyait pas d’autres cieux que celui d’Alger. Il était fier d’être Algérien et n’acceptait aucune autre appellation, refusant les étiquettes «juifs d’Algérie», «juifs d’origine algérienne» ou encore «communauté israélite ou juive d’Algérie».
Il aimait lamhadjab, zlabia et makrout. El Hadj El Anka égayait ses jours et ses soirées. Le chaâbi était sa musique favorite et Edmond Yafil, un de ses grands amis. Mon père, lui, était un homme discret qui avait tout le temps peur. C’était un fonctionnaire ambitieux qui, malheureusement, fut écarté des hautes fonctions de l’Etat à cause de son appartenance juive, découverte après de longues enquêtes d’éligibilité faites par les services de sécurité. Il ne nous a rien appris du halakha. Je me souviendrai toujours de cette anecdote. J’avais 6 ans et un jour que je l’accompagnais à la pêcherie, nous sommes passés devant la grande mosquée de Sahat Echouhada. Des barbus étaient en train de manifester devant la grande mosquée. Je contemplais cette magnifique mosquée blanche, ses ornements, quand soudain, j’aperçus des étoiles à six branches :
«Regarde cette étoile, elle est bizarre, elle a six branches !, elle ressemble à celle accrochée au mur de ta chambre !» «Un jour, tu comprendras, mon fils !», me lança mon père, le regard fuyant, après un long moment de silence.

Pas comme les autres
Je me souviens de l’école, des premières leçons d’alphabet arabe. Puis des cours d’éducation islamique. Nous commencions à réciter Echahada et la Fatiha. Quelque chose d’inhabituel à mes oreilles. La tonalité était la même, mais les mots étaient différents de ceux que ma mère utilisait pour prier le soir ou le jour de shabbat. Le soir, à table, ma mère me sentit perturbé. Elle me posa des questions, mais je ne pus rien lui dire. J’attendais le moment où je la verrai s’asseoir et prier devant une bougie. C’est à ce moment-là que je compris que ma mère ne récitait pas le Coran et parlait bien une autre langue que l’arabe. Elle faisait son dafayoumi. Devant mon silence obstiné, me croyant hanté par un esprit, elle décida de me soigner avec la parole de Dieu. Elle récita des dafa et jeta de l’eau partout jusqu’à ce que je craque et que je lui raconte : «A l’école, nous avons appris le Coran et comment faire la prière. Mais je t’ai observée et tu ne faisais pas ce qu’on nous dit de faire à l’école !» Elle resta stupéfaite puis éclata en sanglots : «Nous ne sommes pas comme les autres ! Nous sommes juifs, mon fils ! Que Dieu te protège !»

La mise en garde
De la petite fenêtre de ma chambre, je contemplais le ciel. Chema Béni Israël, Adonai Elohenou, Adonaie’had (peuple d’Israël : Adonai est notre seul dieu, Adonai est un). C’est notre echahada, à nous, les juifs. Je me suis mis à prier Dieu aux côtés de ma mère. La foi est devenue la priorité de mon existence. Ma mère avait pris le soin de me mettre en garde : je ne devais jamais révéler mon appartenance religieuse. Surtout en cette période. Le 23 janvier 1994, mon oncle maternel nous rendit visite pour nous annoncer le meurtre de Raymond Louzoum. Un opticien juif d’origine tunisienne de l’actuelle rue Didouche Mourad, lâchement assassiné en face de la librairie des Beaux-Arts. Mon père rentra précipitamment de son travail. Il passa la soirée à discuter avec ma mère. Je l’entendais crier : «Non ! Je reste ici ! Je n’irai nulle part ailleurs !»
Mon oncle revint quelques jours plus tard et m’emmena à la synagogue. Enfin, disons plutôt un local aménagé en lieu de prière. Pendant les années 1990, les juifs d’Algérie étaient obligés de se faire encore plus discrets. C’était risqué en cette période sanglante de l’Algérie. Nous avions l’habitude de prier dans une petite mosquée où l’imam nous avait permis de le faire pour shabbat. J’appris quelques années plus tard que les autorités étaient au courant et qu’elles surveillaient les lieux pour notre sécurité. Nous n’étions pas nombreux et étions dépourvus des accessoires nécessaires à notre office. Mon oncle m’initiait et m’enseignait la tradition juive selon le rite des grands rabbins algériens.

Protection
Le 22 janvier 2005, l’avocat Joseph Belaïche fut assassiné. Alger devint morose. Les nouvelles d’assassinats d’intellectuels, de journalistes et d’artistes nous parvenaient chaque jour. Mon oncle reçut la visite de terroristes à son domicile, à Saint-Eugène, qui lui demandèrent de payer la fidya. «Et nous te laisserons tranquille», ne cessaient-ils de lui dire. A force de pression, malgré la résistance de ma mère, nous avons fini par quitter Alger pour Oran. Des gens que je ne connaissais pas étaient venus à la maison pour discuter avec mon père. Mon oncle me révéla quelques années plus tard qu’il s’agissait des autorités sécuritaires. Elles nous avaient conseillé de quitter Alger et de dire aux voisins que nous partions pour l’étranger. D’après mon oncle, les autorités ne voulaient justement pas de ce scénario.
«Ils ne veulent pas voir les juifs quitter massivement leur pays. Ils se soucient de notre situation et font tout pour nous protéger», me confiait-il. Cet été-là, nous nous sommes donc installés dans un nouvel appartement en plein centre d’Oran. Je découvris alors combien nous formions une grande communauté ! Le reste de ma famille nous avait suivi. Les consignes restaient les mêmes : nous ne devions rien dévoiler. Après un détachement, mon père fut embauché dans l’administration locale. Ma mère, quant à elle, ne sortait plus, sauf pour rendre visite à la famille et aux amis. Nous avons passé beaucoup de temps à Beni Saf, où mon oncle possédait une maison en bord de mer. Chez lui, on faisait shabbat et j’assistai à ma première hayloula. Un moment magique et plein d’émotion. Ma mère me disait : «Ce sont nos traditions, nous devons les vivre pleinement et tu dois les perpétuer à la gloire de Dieu.»
A la maison, nous parlions l’arabe et le français à force de fréquenter la «communauté» où mon oncle était un des animateurs. Oran était un havre de paix. J’apprenais l’hébreu dans une école clandestine, puis le judéo-arabe, si bizarre et si poétique, puis la Torah. Je vivais alors pleinement ma judaïté. Mais entre mes parents, les tensions étaient de plus en plus visibles. Le doute prit le dessus. Ils se séparèrent et mon père se convertit à l’islam. A la rentrée, je repris le chemin de l’école avec le sentiment d’avoir été abandonné par mon père. Il m’avait caché que j’étais juif.

Conversion
Je peux comprendre, mais il a trahi la halakha. A l’école, il m’était difficile de faire face à tant de haine, de mépris et à la négation de tout ce qui est juif. J’appris le Coran malgré moi, même si je respecte cette religion et son enseignement divin, ses valeurs de tolérance et de cohabitation entre les peuples. Mais l’école algérienne forme des xénophobes, des antisémites. Combien de fois ai-je entendu : «Les juifs sont honnis par Dieu.» Ils sont «mauvais», «mécréants», «hypocrites», «sales». «C’est une épreuve parmi d’autres, un sacrifice mon fils», me disait ma mère, qui a toujours été d’un grand soutien. Elle respectait beaucoup ses concitoyens et vivait pleinement son algérianité.
Un jour, j’ai osé avouer à un camarade de classe ma religion, mais il ne m’a pas pris au sérieux. Pour lui, il était inconcevable que je sois juif. Grâce à ma foi en hachem, j’ai pu passer bien des épreuves, car je continuais, le soir, à fréquenter l’école hébraïque. En réalité, à l’image de la synagogue, cette école avait été ouverte «clandestinement» par le descendant d’une famille de rabbins d’Algérie. On entrait dans ce garage aménagé par une porte discrète située dans une impasse. Un membre de notre communauté faisait le guet et surveillait les lieux. Nos réunions ressemblaient aux réunions secrètes de certaines confréries ! «Nous devons nous protéger. Nous n’agissons pas en secret, mais la situation du pays ne nous permet pas de nous exposer. Il y a trop de dangers. Restez toujours éveillés et discrets», répétait sans cesse notre prof. En 1999, lorsque le président Bouteflika a été élu, un clin d’œil dans son discours a redonné espoir aux juifs d’Algérie.

Réunions secrètes
Tante Sarah, Enrico, des hommes d’affaires… allaient enfin pouvoir revenir. Je me souviens avoir vu ma mère pleurer et avoir prié pour que Bouteflika soit béni. Et puis le rêve tourna au cauchemar. Après une campagne haineuse dirigée à notre encontre, Bouteflika fit marche arrière sous les pressions. Nous avons continué à garder le silence, à prier en cachette et à accepter des compromis parfois contraires à notre religion. Comme ce jour où j’ai assisté aux funérailles d’un «vieux» de notre communauté. Discrétion oblige, la dépouille fut amenée la nuit, au cimetière de Tlemcen, dans une ambulance accompagnée d’un fourgon de police, contraire à la tradition juive.
Cet homme, qui a longtemps soutenu la lutte de Libération nationale, méritait mieux que cela. Cette scène restera gravée à jamais dans ma mémoire. Quand internet est arrivé à la maison, toutes mes premières recherches concernaient l’histoire des juifs d’Afrique du Nord. Je découvris la spécificité du judaïsme algérien, ses pratiques, ses particularités. Je me suis abonné aux cours de paracha, à l’enseignement de la sefer torah. Le site zlabia.com (site officiel de la communauté juive algérienne en Algérie et à l’étranger) me compte parmi les éléments les plus actifs. Je me suis fait plein d’amis juifs en Algérie et à l’étranger, à qui, aujourd’hui toujours, je dis combien je crois en mon pays, pour lequel je nourris beaucoup d’espoir et d’ambition. Je prie hachem matin et soir pour que l’Algérie reconnaisse enfin ses enfants, sa pluralité. Pour qu’elle respecte, comme elle l’a toujours fait, ses minorités, sans distinction. L’Algérie appartient à tous les Algériens. Amen.

*En 1870, le décret Crémieux accorde d’office la citoyenneté française à 35 000 juifs d’Algérie. Dans la foulée, les colons originaires d’Europe sont aussi francisés. Les musulmans d’Algérie sont maintenus dans leur statut d’indigènes.

mercredi 12 juin 2013

Haro sur les cultures GM

Les plantes génétiquement modifiées continuent de faire parler d'elles, plutôt en mal qu'en bien. Normal puisque l'homme de science, l'homme d'affaire, l'industriel, le PDG de multinationale, le fellah des pays en voie de développement, la ménagère...l'enfant, le nourrisson, l'embryon animal ou humain, soit autant d'acteurs et de cibles, ces hommes et ces femmes ne savent toujours pas évaluer l'impact de l’introduction des OGM dans leur vie quotidienne. Seuls quelques rares scientifique organiques et des industriels sans scrupules persistent à vouloir généraliser ces cultures dont les impacts sur le milieu et sur la biodiversité ne sont pas encore de l'ordre du quantifiable. C'est pourquoi, à chaque fois qu'un pays, un gouvernement, une association, un paysan, un chercheur demande l’arrêt de ces cultures, il trouvera à ses cotés de nombreuses voix pour le soutenir. Ici, l'exemple des Philippines dont une Cour de justice vient d’ordonner l’arrêt de la culture d'aubergine GM...un bel exemple de pragmatisme et de responsabilité.

La Cour des Philippines demande l’arrêt des essais d’aubergine GM

Source: SciDev.net (8 juin 2013)
Auteur: Paul Icamina
La Cour d’appel des Philippines a demandé l’arrêt des essais au champ d’une culture génétiquement modifiée (GM), l’aubergine Bt, à cause des préoccupations concernant les risques pour la santé et l’environnement. La cour a ordonné aux scientifiques de « cesser et de renoncer définitivement » à la poursuite des essais nécessaires pour la diffusion de cette aubergine à des fins commerciales. En 2012, Greenpeace avait demandé à la Cour suprême des Philippines d’arrêter les essais, faisant valoir que plus de 500 variétés d’aubergines et d’autres parents sauvages semblables à de mauvaises herbes pourraient être contaminées. Si la décision de la cour ne devrait pas affecter la recherche en cous sur l’aubergine Bt, elle met en attente le marché de l’aubergine GM qui était considéré comme une grosse industrie potentielle. Les chercheurs ont déclaré qu’ils se préoccupaient de ce que la décision puisse être utilisée comme un précédent pour empêcher les essais au champ d’autres cultures biotechnologiques. « Nous allons faire appel de la décision. Cela veut dire que nous allons porter l’affaire devant la Cour suprême », a annoncé William Padolina, président de l’Académie nationale des Sciences et de la Technologie qui donne des conseils au gouvernement philippin. Daniel Ocampo, militant de Greenpeace en Asie du sud-est pour une agriculture durable, a déclaré : « Cette décision historique reflète le fait qu’il y a effectivement des lacunes et des manquements dans le processus réglementaire actuel concernant les organismes génétiquement modifiés tels que l’aubergine Bt, ce qui expose notre environnement et notre santé à des conséquences à long terme inconnues »

lundi 10 juin 2013

Le Monde invente le gaz intelligent




Après les journalistes gaffeurs, voici les journalistes gazeurs...
Les pseudos journalistes du monde affirment avoir été en contact avec le gaz sarin...sans aucune preuve tangible et recevable. En effet, à la vue des images diffusées en boucles par les chaine de TV Françaises, il n'est nullement avéré que l'armée syrienne ait eut recours au gaz sarin, comme tentent de nous le faire croire les pseudos journalistes du monde. A ceux-là, sans doute est-il utile de rappeler que le travail journalistique consiste à informer et non pas à se transformer en agent de renseignement au profit d'une des parties en conflit...En se transformant en agents de renseignement et en induisant en erreur l’opinion publique, ces deux journalistes ainsi que leurs nombreux commanditaires, se sont tout simplement fourvoyés. Et il n’est même pas nécessaire d’être un grand stratège de guerre pour mettre à plat le fumant scénario. Car il ne suffit pas de mettre un masque à gaz pour soutenir qu’il y a du gaz dans l’air. Depuis quand le port du masque constitue une preuve ? Et puis, comment expliquer qu’à seulement 2 mètres du combattant masqué, un chef terroriste, un islamiste à l’accoutrement de circonstance se permette de tenir une véritable conférence de presse dans un lieu sensé avoir été gazé ? Voilà en effet que ce gaz redoutable qu’est le sarin se mette comme par enchantement à faire du surplace grâce à la présence du chef terroriste qui aurait un don d’arrêter le gaz dans sa progression !!! Tout de même bizarre ce gaz sarin en plein cœur de Damas qui ne s’attaque qu’à ceux qui portent des masques! Ils sont finalement très forts ces génies syriens d’avoir réussi à contenir du gaz à l’aide d’un récitant de prière de la mort ! Un gaz sélectif que les journalistes du Monde n’ont même pas senti. Comme en plus, à l’instar des gaz, celui observé par les journalistes du Monde avaient la fâcheuse manie d’être invisible. Qu’elle idée que celle des ces chimistes Syriens que de rendre un gaz invisible, incolore et inodore, qui de surcroit aurait, à en croire les journalistes du Monde, l’incroyable capacité de sélectionner ses clients. Car ni les journalistes ni le chef terroriste ne montraient le moindre signe d’énervement. Mais le plus inquiétant dans cette histoire de com, c’est l’incroyable apathie des stratèges militaires Français qui n’ont pas sourcillé face à une telle avancée technologique. Découvrir un gaz à guidée laser, qui ne s’attaque qu’à des cibles parfaitement identifiés grâce à leur degrés de crétinisme islamique n’est pas une mince affaire. C’est un Nobel assurée ! Et un marché fort juteux qui aiderait assurément à une rapide relance de l’industrie de l’armement. Au lieu de s’échiner à refourguer des Mirages Dassault, Fabius et Hollande seraient bien inspirés de mettre sur le marché ce nouveaux gaz aux qualités jamais démontrées auparavant. Ainsi, il suffira, pour les nombreuses dictatures, mais pas seulement, de donner à ce gaz intelligent, les indications les plus précises des ennemis à abattre et le tour est joué ! Un gars comme Mélenchon, dont le profil du parfait emmerdeur n’est plus à faire, serait une cible idéale. D’autant que même au Monde, il n’est pas en odeur de sainteté… un petit aérosol damascène dans la poche de Manuel Valls et le tour est joué ! Il suffit d’attendre calmement au coin de la rue qu’une manifestation de la gauche arrive au niveau du rond point pour lâcher le gaz intelligent et ensuite profiter des nombreuses caméras qui jalonnent la ville pour filmer en direct la mort par asphyxie de l’ennemi public numéro 1 ! Ni vu ni connu… le gaz intelligent ramené de Damas par les valeureux journalistes du Monde aura au moins servi à éliminer un redoutable adversaire…ensuite, il suffit de généraliser l’expérience…en commençant par gazer les journalistes du Monde ! C’est toujours encombrant des témoins aussi fiables que peuvent l’être des journalistes…Enfin, on est jamais assez prudent, si vous êtes ami avec Jean Luc, offrez lui un masque à gaz, on ne sait jamais…cette chronique pourrait donner des idées aux extrêmes…Dire que Calvi et France2 vont consacrer une émission à cette scabreuse affaire que l’Onu et les USA ne semblent pas pressés d’avaler…en matière de manipulation, les States ont tout de même fait très forts avec Powell et son tube à essai…voici venu le tour de Fabius…qui adore avancer sans aucune protection…c’est pas louche tout ça ?

vendredi 7 juin 2013

L'hommage à Silem



La rencontre qu’organise la direction de la culture et l’école des beaux arts, fera la part belle à plusieurs artistes algériens. La manifestation qui se déroule du 4 au 8 juin rendra un hommage à Ali Silem et au fils prodigue de Mostaganem, le peintre Abdallah Benanteur. Ce camarade de classe de Med Khadda, son compagnon durant les rudes années d’exil, celui qui n’est jamais revenu sur ses pas, contrairement à son compère de l’école Jean Maire, partagera donc les honneurs de cette seconde édition de l’art contemporain. Mais pour que la fête soit totale, les organisateurs n’ont pas lésiné sur les moyens. En effet, ils seront plus d’une centaine de participants, dont Dalila Morsli, Zoubir Hellal,  Moussa Bourdine, Valentina Ghanem, Karim Sergoua, Mansour Abrous, Med Sedjal, Kamel Slimani, Maamar Guerziz, Hocine Zaourar et Nordine Saadi. Mais l’autre hommage concerne Denis Martinez, l’enfant de Marsa El Hadjadj qui servira bien malgré lui de trame à cette rencontre à travers 2 documentaires qui lui sont consacrés. Le premier, de 15’, est l’œuvre de Dominique Devigne, sa compagne.
Elle retrace les phases de l’œuvre intitulée «Tracto Mzaouek», réalisée l’année dernière à Mostaganem. Le second, long de 52’ est l’œuvre de Claude Hirch. L’auteur parle de l'œuvre peinte de Denis Martinez depuis les premiers travaux en 1961. Les interviews de Denis Martinez dans ses ateliers de Blida et Marseille, d'autres artistes et amis (Karim Sergoua, Ali Silem, Hacène Metref, Hachemi Ameur, Lounis Aït Menguellet, Nourredine Saadi, Aziz Mouats, Adlane Djeffal,...), souvent d'anciens élèves de l'école des Beaux-Arts d'Alger, tracent un portrait de l'homme, du pédagogue et de l’artiste. Le film qui sera projeté samedi matin, permettra d'appréhender « l'immense artiste qu'est Denis Martinez qui a toujours su donner un prolongement moderne plein d'actualité à l'art millénaire de l'Algérie, aussi bien les dessins pariétaux du Tassili que les motifs ornementaux kabyles ancrés dans la mémoire populaire ».
D’après Claude Hirsch, Denis Martinez représente « un modèle d'homme libre, par la cohérence de son parcours depuis sa jeunesse et l'essence de la pédagogie qu'il a mise en œuvre en 40 années d'enseignements ». Le film parle aussi du découvreur de talents qui fait partager à ses étudiants « la liberté de création hors des sentiers battus et des menaces de tous ceux qui voudraient museler ces libertés clairement affirmées dans le climat social difficile depuis l'indépendance algérienne ». Et pour conclure, le film parle de l'intervention en public, l’année dernière à Mostaganem, sur un tractopelle, avec un petit crochet par Blida, sa ville d’adoption avec un témoignage de Denis Martinez sur le travail sur son ami Bahas, musicien de la ville des roses.


mardi 4 juin 2013

L'Algérie survivra au clan Bouteflika

194
Mardi 4 juin à 10:14
Liberte

  1.  Toufik, un homme honnête 

  2. “Un danger nommé Saïd Bouteflika” 

  3. Bouteflika ne reprendra pas ses fonctions 

  4. Liamine Zeroual, l’homme de la situation


“L’État algérien présente de graves signes de défaillance. Je suis inquiet pour mon pays, sa cohésion, son intégrité et son existence même.” D’après Chafik Mesbah, l’état d’esprit qui prévaut au DRS est à l’exaspération contre l’actuel mode de gouvernance.
 
Mohamed-Chafik Mesbah au forum de “Liberté” “Le DRS avait prévenu Bouteflika”Les affaires de corruption, les activités délictueuses imputées à Chakib Khelil et les agissements de Saïd Bouteflika ont fini, semble-t-il, par faire sortir de leurs gonds les officiers de l’ex-sécurité militaire. “Il n’y a pas un acte répréhensible commis par l’ancien ministre de l’Énergie et des Mines ou même de son entourage qui n’ait pas été communiqué à la présidence de la République par les services du DRS. Au début, Bouteflika convoquait le ministre pour lui faire des remontrances. Mais depuis sa maladie en 2005, les choses ont évolué et c’est son frère Saïd et Réda Hemche qui ont pris les choses en main.” En outre, d’après Chafik Mesbah, les procédures judiciaires concernant Chakib Khelil et consorts ont été longtemps mises sous le coude de l’ancien ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, qui recevait, à cet effet, “des instructions express”. Par ailleurs, pour Chafik Mesbah, le choix porté sur ce même Belaïz à la tête du Conseil constitutionnel n’est certainement pas fortuit. “On peut reprocher à Bouteflika son manque d’aptitude en matière de stratégie, mais c’est un tacticien redoutable.” Selon l’ancien officier du DRS, Bouteflika aurait voulu, là aussi, tout prévoir. Mais pour l’invité du Forum de Liberté, les hommes en kaki n’avaient plus aucune alternative. Avec une corruption tournant à plein régime, le mal s’est vite étendu à l’ensemble du pays. Qui oserait encore prétendre, en effet, à la suite de ces affaires, que pour réussir dans ce pays, il faille des efforts et des qualités intrinsèques ? Qui se soucie encore de la chose publique ? De l’intérêt national ? Qui a encore le goût de l’effort ? Quoi qu’il en soit, pour Chafik Mesbah, ces affaires de corruption rendent tristes les Algériens et viennent détruire leurs dernières espérances. “L’Algérie vit un moment critique. Je souhaite un dénouement pacifique pour le plus grand bien du pays.” Devant le vide politique, l’armée et les services de renseignement sont, selon lui, incontournables. D’après lui, l’armée devra à son corps défendant se mêler, une fois encore, de politique. “De nombreux chefs militaires actuels ont mené une carrière exemplaire et disposent d’un niveau d’instruction appréciable. La plupart ne veulent pas céder aux démons de la politique. Très à l’écoute de la population, ils ont compris que l’ère des coups d’État est désormais révolue.” Il reconnaît que sous l’ère de Bouteflika, l’armée a connu une certaine évolution, notamment par le rajeunissement de ses cadres et un découplage de l’état-major avec le DRS qui, selon Mesbah, n’a plus qu’un “rôle résiduel”. Il rappelle, néanmoins, que l’Armée algérienne a dans ses rangs quatre hauts gradés dont l’âge suscite l’hilarité, notamment dans les chancelleries. D’après certaines sources, l’Armée algérienne se distinguerait par cette singularité de compter dans ses troupes “le plus vieux soldat au monde”. Une situation qu’on ne retrouve ni en Chine ni même en Corée du Nord. L’Algérie, un grand pays de miracles et de superlatifs. “La biologie va faire son œuvre”, souligne-t-il toutefois.

Toufik, un homme honnête
Interrogé, par ailleurs, sur l’énigmatique chef du DRS, en l’occurrence Mohamed Mediène, dit “Toufik”, Chafik Mesbah estime que lui aussi partira un jour. “Il a été longtemps mon chef. Je me suis souvent opposé à lui mais je n’ai jamais eu à le prendre à défaut sur son intégrité. Il est d’ailleurs très exigeant vis-à-vis des membres de sa famille au sujet de cette question.” Il souhaite, ainsi, que son ancien chef quitte le pouvoir par la grande porte, à l’image d’un Youri Andropov, ancien patron du KGB qui sera plus tard à l’origine de la “perestroïka”. S’agissant de ses démêlés avec son ancien chef et sa démission des services, il révélera que le DRS perçoit davantage l’intellectuel comme un “auxiliaire” et non pas comme un “partenaire”. C’est sur ce point précis de “l’apport des élites nationales” qu’il était en désaccord avec Toufik. “J’étais plus ambitieux et plus audacieux que lui dans ce domaine. Il m’a certes reproché d’être ingérable, mais il n’a jamais porté de jugement négatif sur moi.” Concernant le bilan de Bouteflika, Chafik Mesbah adressera plusieurs mises au point. D’abord, pour lui, on ne peut pas inscrire l’accalmie sur le front sécuritaire sur le compte du président Bouteflika. “Il a hérité d’une situation dont les ressorts ont été dessinés bien avant lui par le corps des services de sécurité et les Patriotes qui en ont payé le prix.” Il rappellera que depuis l’arrivée de Bouteflika, “l’appareil de l’État évolue dans une société virtuelle”. Le taux d’abstention est, selon lui, un très bon indicateur de cette situation de fait. Les Algériens boudent les urnes. Ils ne votent plus, par lassitude ou par dépit, sûrs que le scrutin serait truqué à l’avantage des tenants du pouvoir et des coalitions de l’argent sale, la fameuse “chkara” dont on n’avait jamais entendu parler jusqu’à alors. Les élections, quand il y en a, ne servent finalement qu’à consacrer, sous des étiquettes politiques variées des “notabilités” qui n’en ont jamais espéré tant. “La moyenne de participation aux différents scrutins ne dépasse guère 20%. Non seulement, c’est dramatique mais cela pose un grave problème de légitimité !” martèle-t-il. “Par ailleurs, comment se fait-il que le Mali voisin soit à feu et à sang et l’Algérie absente ?” s’interroge ChafiK Mesbah, tout en suggérant la réponse : “Sur le plan diplomatique, depuis 1999, le vrai ministre des Affaires étrangères est monsieur Abdelaziz Bouteflika lui-même.” Il semble qu’après avoir dépouillé nombre d’institutions de leurs prérogatives qu’il s’est attribué, le bilan de l’actuel locataire d’El-Mouradia sera encore plus lourd. L’orateur évoque notamment à ce sujet une véritable débâcle de la diplomatie algérienne qui fonctionne aujourd’hui, selon lui, comme un appareil administratif. “J’ai parmi mes amis des diplomates chevronnés mais je sais malheureusement qu’ils ont les mains liées.” Certains considèrent, ainsi, que l’actuel Président algérien aurait mis le pays sous tutelle de puissances étrangères et d’avoir même poussé dans le sens de la destruction de l’État. Il serait ainsi à l’origine de tant de reniements que l’on ne sait plus quelle cause il sert en réalité. Cette situation qui fait que l’Algérie, impuissante, n’arrive plus à faire valoir ses positions sur des processus qui se déroulent à ses frontières est tout à fait inédite. “Boumediene était, certes, autoritaire mais, en son temps, il y avait un consensus. Lui, il n’aurait jamais été pris au dépourvu par la crise libyenne ou malienne. Le président défunt adoptait toujours une position conforme aux intérêts du pays.” Sur le plan économique, il évoque d’emblée l’indigence managériale de nos dirigeants. “Malgré l’embellie financière due à la manne énergétique, le choix des projets s’est opéré de manière administrative. Les plans de relance ne sont exécutés qu’à un taux de réalisation d’à peine 40%. Nos ressources financières ont, ainsi, été dépensées en pure perte. Les sismologues estiment qu’un tremblement de terre de 5 ou de 6 degrés sur l’échelle de Richter pourrait tout faire tomber. La distribution anarchique de la rente n’est donc pas adossée à une logique économique.” Chafik Mesbah évoque également une régression sociale : “L’illusion de progrès social due en partie au salariat pluriel est battue en brèche par des manifestations récurrentes et les actes d’immolation qui ne font pas bouger les pouvoirs publics. C’est révoltant !” Au-delà de ce constat désastreux, pour l’orateur, l’Algérie a les potentialités économiques et les ressources humaines nécessaires pour s’arrimer au monde moderne.

“Un danger nommé Saïd Bouteflika”

À en croire l’ex-colonel des services algériens, le spectacle qu’offre le pays n’a rien d’amusant et il faut vite refermer cette parenthèse. Mais par quel modus-operandi ? Chafik Mesbah reconnaît que compte tenu du champ politique fermé et de la gouvernance passée, il est quasiment impossible d’organiser, à l’heure actuelle, un scrutin transparent. D’après lui, l’entourage du Président va sûrement vouloir contrarier ce processus. “Saïd Bouteflika va vouloir interférer avec la candidature éventuelle de Sellal. Pour arriver à ses fins, il pourra faire appel à ses baltaguias économiques et mener une politique de terre brûlée. Il est capable, d’après moi, de provoquer une effusion de sang.” Une accusation très grave qui fait craindre le pire. Il rappellera, dans cet ordre d’idées, que l’actuel Premier ministre, Abdelmalek Sellal, avait été ramené par le cercle présidentiel dans l’hypothèse d’un 4e mandat pour Bouteflika. “S’il était en pleine possession de ses moyens, Bouteflika, beaucoup plus politique que son frère cadet, aurait opté très certainement pour Belkhadem. Mais aujourd’hui : Dieu en a voulu autrement.” Quant à l’état de santé de Bouteflika qui relève, selon lui, du secret médical et de son intimité, “l’affaire est entendue : avec tout le respect que je dois à la personne et mon souhait qu’il guérisse, tout le monde s’accorde à dire — et notamment en France — que l’actuel Président algérien n’est plus en mesure de reprendre ses fonctions”.

Bouteflika ne reprendra pas ses fonctions
En effet, d’après les échos qui parviennent de Paris, “des informations crédibles et qui résument l’état d’esprit des autorités françaises suggèrent que la convalescence de Bouteflika va demander un bon bout de temps”. D’ailleurs, Chafik Mesbah perçoit dans les récents propos du président français, François Hollande, “beaucoup de gêne”. “D’un côté, ils ne veulent pas rompre avec Bouteflika et de l’autre, ils ne peuvent ignorer les intérêts de la France quant à la suite des évènements. Ils ont un pied ici et un pied là-bas…” Quant aux institutions fortes dont disposerait l’Algérie, à en croire Hollande, il ne s’agit ni plus ni moins que du DRS et de l’ANP. D’après Chafik Mesbah, il ne s’agit sûrement pas de l’APN, a-t-il ironisé. Il faut souligner, par ailleurs, que le politologue invité au Forum de Liberté n’est pas venu les mains vides.

Liamine Zeroual, l’homme de la situation
Il a confectionné pour l’occasion un tableau d’une dizaine de candidats déclarés ou potentiels avec un certain nombre de paramètres et de coefficient de pondération. Il ressort de ce document, “l’élection” ; Lamine Zeroual, considéré par l’orateur comme “l’homme de la situation”. Et d’expliquer que “dans la confection de ce document de travail, j’ai fait preuve de retenue et de distance afin d’éviter tout biais subjectif. Je ne suis mandaté par personne. Je veux juste éclairer l’opinion de mon pays. Et malgré l’affection que je porte à Liamine Zeroual, je ne me suis pas départi de mon statut d’analyste. Mes sentiments n’ont jamais gagné dans mon approche. J’ai donc proposé la candidature de Liamine Zeroual par choix rationnel et mûri. Selon moi, il est capable dans un délai de deux ans d’organiser une nouvelle élection présidentielle ou de mettre en place une assemblée constituante”. Quid des autres candidats ? “Je ne mets pas en doute les capacités des autres candidats. Des gens comme Ahmed Benbitour, Mouloud Hamrouche ou encore Ali Benflis sont, pour moi, aptes à diriger ce pays. Ils devraient d’ailleurs se donner la main avec d’autres personnalités pour faire partie de la solution.” Un journaliste rappellera qu’en 2009, Zeroual avait lui-même fait un communiqué dans lequel il disait qu’il ne croyait pas à l’homme providentiel et qu’il avait définitivement renoncé au pouvoir. “Zeroual est un personnage réservé et difficile. Il a une conscience troublée et éveillée. Mais Zeroual reste un soldat. Si l’appel du devoir vient sonner à sa porte, je suis certain qu’il rempilera.” Pour l’invité de Liberté, l’avantage avec Zeroual est que “personne ne pourra jouer et qu’il mettra vite l’armée au pas”. En somme, Chafik Mesbah propose aujourd’hui un “aggiornamento dans un cadre démocratique et pacifique” mais il n’estime pas moins nécessaire que ceux qui ont dilapidé les richesses nationales rendent des comptes.
M C L

lundi 3 juin 2013

Fin de régne pour Bouteflika et son clan

 Voici un préavis de fin de fonction paru dans Le Soir d'Algérie du 3 juin 2013, gardez le bien au chaud, il fera date...

ENTRETIEN AVEC MOHAMED CHAFIK MESBAH :
«Le “cercle présidentiel” s’est substitué à l’ordre institutionnel légal»



Entretien réalisé par Mourad Hamdane
Ancien officier supérieur de l’ANP et politologue, Mohamed Chafik Mesbah est Docteur d’Etat en sciences politiques de l’Université d’Alger et diplômé du Royal College of Defence Studies de Londres. Politologue, il se consacre à la recherche académique.
Le Soir d’Algérie : L’Algérie semble s’engager dans un tournant de son histoire avec l’aggravation de l’état de santé du Président Abdelaziz Bouteflika. Cette évolution vous semble déterminante pour l’avenir ?
Mohamed Chafik Mesbah :
Ne nous attardons pas sur l’état de santé du président de la République. Cela relève de son intimité. Comment, au demeurant, aborder un sujet autour duquel règne l’opacité la plus totale. Mais rien n’interdit, par contre, d’envisager les conséquences politiques de cette maladie. D’autant que l’Algérie connaît une situation des plus cauchemardesques.
Que voulez-vous dire par «cauchemardesque»?
Une situation dramatique. Jugez-en. Un champ politique frappé de léthargie, des institutions représentatives délégitimées et des instances exécutives sans impact. Des partis sans ancrage social et des leaders sans charisme. Enfin, un mouvement syndical et associatif si peu représentatif. Une situation économique des plus fragiles aussi. Les immenses ressources financières tirées des hydrocarbures sont dilapidées dans une gestion anarchique aucunement adossée à la logique économique.
Le Président Abdelaziz Bouteflika n’en a pas moins lancé des programmes d’investissement qui ont généré de la croissance positive…
Plutôt de la «croissance extensive» comme disent les économistes ; sans effet d’entraînement réel sur la sphère productive. Vous n’ignorez pas que de véritables goulots d’étranglement ont entravé l’application de ces plans dits de «relance de l’économie». Des dysfonctionnements liés à la mauvaise gouvernance et à la grande corruption ont fait de ces plans des prétextes pour dissiper les deniers publics. Lorsque les infrastructures réalisées sous le règne du Président Abdelaziz Bouteflika – autoroutes, ouvrages d’art et logements — seront soumises, dans des conditions transparentes, à audit financier et diagnostic technique, le monde sera stupéfait par les surprises mises en évidence.
La situation sociale est à la même enseigne ?
Malgré la profusion de subventions directes supposées protéger ou améliorer le niveau de vie de la population, c’est la précarité qui prédomine. Le chômage — en termes réels — pénalise, lourdement, les couches sociales les plus vives du pays. En particulier les jeunes diplômés. Les besoins essentiels — santé, école et logement — sont de qualité médiocre.
Examinons la réconciliation nationale. C’est un bilan que certains jugent positif…
Faisons un bref retour à la période du Président Liamine Zeroual. Il s’agissait, à l’époque, de parvenir à la neutralisation physique du terrorisme à travers un combat méthodique et résolu tout en favorisant une reconfiguration du courant islamiste —donnée co-substantielle à la société algérienne — sur la base du respect absolu de l’ordre constitutionnel. Cette démarche a permis des résultats substantiels. Avec l’arrivée du Président Abdelaziz Bouteflika, la démarche a changé, sensiblement, de contenance et d’orientation. La violence terroriste maîtrisée étant un résultat déjà acquis, l’accent a été mis sur la consolidation d’un islamisme de «bazar» avec une tolérance excessive vis-à-vis des salafistes et de la bienveillance pour les anciens dirigeants de la branche armée du FIS et autres anciens chefs de groupuscules terroristes. La réconciliation nationale ne saurait être une simple construction juridique virtuelle !
Quel état des lieux lugubre ! Vous ne voyez aucun résultat positif dans le bilan du président de la République actuel ?
Des nuances, peut-être. Premièrement, la stabilisation de la situation sécuritaire semble avoir complètement éloigné le spectre d’un terrorisme triomphant. Deuxièmement, l’armée a subi une certaine cure de rajeunissement avec une professionnalisation plus ou moins prononcée. Mais le coût des dépenses militaires reste excessif et la doctrine de défense attend d’être actualisée.
Quelles pourraient être les conséquences de ce diagnostic ?
Un spectre de menaces dangereuses se profile à l’horizon. Risque de dislocation de la cohésion sociale. Risque d’amputation du territoire national. Risque même d’effritement de l’unité de l’armée dans le cas où elle serait entraînée vers des tâches qu’elle réprouve. Certains des responsables actuels pourraient être poursuivis, demain, pour «non-assistance à patrie en danger».
Quels sont ces détenteurs de «vrais leviers de pouvoir» ?
Cela nous renvoie au mode de fonctionnement du système. Soulignons, d’emblée, que le Président Abdelaziz Bouteflika a hérité du système actuel. Il n’en a pas été le concepteur. C’est le système, dans sa globalité, qui, par conséquent, est en cause. Sans doute, le Président Abdelaziz Bouteflika a forcé le trait en recourant, inconsidérément, à l’autoritarisme et au népotisme avec un mépris affiché pour le peuple et les élites nationales.
Quelle est la nature du système politique algérien ?
Un Etat autoritariste paralysé avec une certaine dose d’anarchie. Une sorte de «dictature molle» où l’exercice du pouvoir est des plus diffus. Ce n’est pas, loin s’en faut, un système démocratique.
Vous considérez qu’il existerait un partage de l’exercice du pouvoir en Algérie ?
Le Président Abdelaziz Bouteflika était venu avec la volonté d’instaurer un régime hyper-présidentiel. Il voulait concentrer tous les pouvoirs entre ses mains sans «pôles de pouvoir» concurrents. Au niveau de la Constitution, l’objectif a été atteint. Sur le plan pratique, toutes les institutions et appareils de l’Etat, y compris l’institution militaire et les services de renseignement, semblent sous contrôle. La présidence de la République n’en est pas devenue, pour autant, un véritable centre d’impulsion stratégique. En raison de l’indisponibilité, chronique, de M. Abdelaziz Bouteflika, le fonctionnement de la présidence de la République a été ralenti. MM. Saïd Bouteflika — frère et conseiller du chef de l’Etat — et Mohamed Rougab, secrétaire particulier, sont devenus les deux seuls personnages importants. Incapable d’agir pour les questions d’intérêt stratégique, le premier cité intervient systématiquement sur les questions organiques, en particulier les nominations. Le second, qui se contente de répercuter les instructions du président de la République auprès des responsables de l’Etat, est devenu un passage obligé.
En quoi consiste ce «cercle présidentiel» évoqué avec insistance ?
C’est un entourage informel qui s’est substitué, arbitrairement, à l’ordre institutionnel légal. Un véritable processus d’accaparement des instruments de puissance publique à des fins privatives. Ce cercle repose, essentiellement, sur un «noyau dur» qui en constitue la pierre angulaire. Il a pour pivot M. Saïd Bouteflika qui s’appuie sur une faune de «baltaguias», véritables prédateurs de l’économie. M. Saïd Bouteflika dispose de relais au niveau des principales institutions et grandes entreprises publiques, en plus de tous les responsables d’organes d’information publics, qui relèvent, directement, de lui.
Existe-t-il d’autres «centres de pouvoir» concurrents au «cercle présidentiel» ?
L’exécutif gouvernemental ne constitue guère plus un «centre de pouvoir». La plupart des ministres échappent à son autorité. La coordination de l’action gouvernementale, sa cohérence et son efficacité s’en ressentent grandement. Le Parlement — Assemblée populaire nationale et Conseil de la nation, un «centre de pouvoir» ? Le phénomène récurrent de l’abstention électorale — le taux de participation électorale tourne autour de 20% — a, totalement, délégitimé les deux institutions qui se complaisent dans le rôle de chambres d’enregistrement.
Nul doute, alors, que l’armée et les services de renseignement constituent un «centre de pouvoir» autonome ?
Arrivé au pouvoir avec l’ambition affichée de renvoyer l’armée aux casernes et de contenir les services de renseignement pour qu’ils ne puissent plus interférer dans le champ politique. Mais le Président Abdelaziz Bouteflika ayant étouffé, à un point inattendu, la vie politique et syndicale, il en est résulté un vide sidéral qui a prévalu. La nature ayant horreur du vide, l’armée et les services de renseignement sont au-devant de la scène. Ils seront incontournables dans le processus de succession qui s’ouvre.
Evoquons, à présent, les scandales de grande corruption. Comment expliquer cette généralisation excessive de la grande corruption qui touche tous les secteurs d’activité économique ?
Premièrement, c’est la gouvernance publique qui est en cause. C’est la nature autoritariste de l’Etat qui a ouvert un «grand boulevard» à la grande corruption. Deuxièmement, lorsque l’argent coule à profusion, la tentation est grande de le détourner à des fins personnelles. Les plans de relance lancés par le Président Abdelaziz Bouteflika ont été propices aux pratiques de grande corruption. La société algérienne est affectée, elle aussi, par cette distribution inconsidérée de la rente. Sous forme de subventions ou de revalorisation de salaires. Le régime semble disposer d’une technique rodée pour gérer contestation sociale et politique. Un sentiment de profonde exaspération a gagné, pourtant, les esprits de tous les Algériens, commis de l’Etat, de l’administration publique et officiers de l’Armée nationale populaire et des services de renseignement.
Pourquoi le Président Abdelaziz Bouteflika a-t-il échoué dans la lutte contre la corruption alors qu’il en avait fait un cheval de bataille ?
Voulant donner l’illusion qu’il faisait de la lutte contre la corruption son credo, le Président Abdelaziz Bouteflika n’a pas manqué de créer une pléiade d’organismes censés prévenir ou réprimer la corruption. Dans la réalité, il a laissé faire les prédateurs qui foisonnent à l’intérieur comme à l’extérieur du système.
Comment expliquer ce phénomène de division interne qui traverse les principaux partis politiques en Algérie ?
D’une manière générale, les divisions apparues au sein des partis politiques témoignent de leur fragilité. Une fragilité qui concerne, d’abord, l’ancrage social de ces partis et l’absence de cohésion parmi les militants. Une fragilité qui renvoie à la faiblesse – sinon l’inconsistance – des référents de doctrine politique. L’absence de fonctionnement démocratique en leur sein est, évidemment, un facteur aggravant. Les partis actuels n’ont pas effectué la mue qui leur aurait permis de s’adapter au nouveau contexte national et international. Le moindre souffle peut avoir raison de leur unité, si ce n’est de leur existence.
S’agissant du FLN, tout particulièrement, comment expliquer la crise où il se débat ?
A l’exception de la période où le défunt Abdelhamid Mehri, aux commandes de ce parti, lui avait imposé une «cure de jouvence» dans l’opposition, le FLN s’est toujours résigné au rôle d’auxiliaire du pouvoir. Avec la normalisation que M. Abdelaziz Belkhadem a imposé, au pas de charge, au FLN, un mal chronique s’est emparé de ce parti. La paralysie qui le frappe peut mener à sa disparition. M. Abdelaziz Belkhadem a introduit un pouvoir personnel qui est aux antipodes de la tradition du FLN où l’exercice du pouvoir a toujours été collectif. Le FLN s’est, considérablement, éloigné des mots d’ordre de justice sociale et son attachement aux valeurs nationales s’est estompé. La pratique de la corruption par l’achat, contre monnaie sonnante et trébuchante, des premières places dans des listes électorales a étouffé l’esprit d’émulation.
Le FLN vous paraît condamné à disparaître ?
Ce n’est pas une fatalité. La communauté occidentale – les Etats-Unis, principalement — œuvre à la disparition des partis nationalistes dans le monde arabe et musulman. C’est l’avènement des partis islamistes qui est souhaité. Si, cependant, le FLN effectuait sa mue pour devenir un grand parti de type «social démocrate» avec ancrage nationaliste, il pourrait résister à cette tendance lourde de l’histoire. Il ne peut le faire que s’il s’ouvre aux forces vives du pays, la jeunesse, les femmes, les travailleurs et, tout naturellement, aux élites. Il ne faut pas s’attendre, néanmoins, que le Comité central de ce parti, dans sa configuration actuelle, puisse conduire ce projet audacieux !
Le poids du courant islamiste en Algérie vous paraît-il être en régression ?
En termes de potentiel électoral ou de présence physique dans la société ? C’est une évidence, le courant islamiste en Algérie est émietté. La distribution d’honneurs officiels et de bienfaits matériels ont permis d’en domestiquer une partie. C’est le cas du MSP et des partis qui évoluent dans la même orbite. Une autre partie, regroupant les salafistes, est en situation de «force dormante». Le courant salafiste présente deux facettes. Le «salafisme prédicateur» qui vise à transformer la société par le seul travail de persuasion. Le «salafisme djihadiste» qui vise à transformer la société en recourant à la violence. Il est difficile d’évaluer l’importance de courant qui boude, continuellement, les élections. Cultivant la proximité avec la société réelle, ce courant parie sur l’avenir avec la certitude que le pouvoir tombera comme un fruit mûr. Cette «force dormante» ne paraît pas disposer d’encadrement politique expérimenté mais son potentiel électoral semble élevé.
M. Abderezzak Mokri, nouveau président du MSP, semble s’atteler à réunifier le courant islamiste. Cette réunification serait une menace pour la stabilité institutionnelle du pays ?
Faut-il encourager, encore plus, l’émiettement du courant islamiste, ou au contraire, favoriser sa réunification ? Il faut établir un distinguo entre la démarche d’éradication du terrorisme et celle de l’éradication de l’islamisme. La première démarche est compréhensible. La seconde, pas du tout. Il s’agit juste de prévenir l’instauration intempestive d’un Etat théocratique où l’avènement hégémonique d’une idéologie qui pousserait à la disparition de la diversité politique en Algérie. Par des mécanismes constitutionnels appropriés et le respect de l’alternance au pouvoir. L’ouverture raisonnée du champ politique est souhaitable et elle n’est pas une menace pour la stabilité de l’Etat. Pour peu que le courant islamiste accepte le caractère civil intangible de l’Etat et les règles de l’alternance au pouvoir. M. Abderezzak Mokri a un projet en tête, c’est évident. Il semble disposer des capacités requises pour rassembler un courant islamiste divisé. Il est clair que l’air du temps souffle dans cette direction, sous parapluie occidental. M. Abderezzak Mokri paraît avoir tiré les enseignements des expériences passées. Selon ses déclarations publiques, la forte proximité avec le pouvoir a failli emporter le MSP. Désormais, affirme-t-il, ce sont l’intégrité des dirigeants politiques avec le rejet déterminé de la corruption dans la gestion des affaires de la cité qui pourront mobiliser l’opinion publique nationale.
Considérez-vous que le Front des forces socialistes reste, toujours, le pivot du pôle démocratique ?
Sous le leadership de M. Hocine Aït Ahmed — particulièrement lorsqu’il était en possession de tous ses moyens —, le FFS avait toujours préservé sa vocation de pivot du courant démocratique. Nonobstant le rapprochement tactique avec le Front islamique du salut qui lui aurait été reproché, le FFS s’est toujours tenu à ses revendications qui étaient au cœur du combat pour la démocratie. Il restait, seulement, au FFS de sortir du «ghetto» de la Kabylie pour se hisser au rang de parti de dimension nationale. Il aurait pu constituer une alternative au régime en place, tout au moins une partie importante de l’alternative. La normalisation en cours risque de banaliser ce parti. Le FFS deviendrait un simple alibi dans une devanture présentable devant l’opinion publique internationale. Sans préjuger de ce que la base de ce parti, en majorité fidèle à l’ancienne ligne politique, pourra décider, il est à craindre que, comme parti de l’opposition, le FFS ne soit mort. La disqualification du FFS, néanmoins, laisse, dangereusement, le champ libre aux partisans de l’autonomie en Kabylie.
L’appui de l’armée, sur lequel vous insistez, est à ce point indispensable pour la réussite d’un processus de transition démocratique ?
Focalisons notre attention sur le corps de bataille avec son dispositif de soutien logistique et technique. Il est constitué d’officiers issus des fameuse écoles des cadets de la Révolution et, parfois, des universités. Ces officiers sont, en règle générale, de bons professionnels se tenant à distance de la sphère politique. Attachés à la pérennité des institutions nationales dans un cadre républicain, ils sont attentifs aux aspirations de la population dont ils sont proches de par leurs origines sociales — plutôt modestes —. Ils sont, parfaitement, avisés de l’impact impétueux de la mondialisation sans rien ignorer du principe de compétence universelle pour les crimes contre l’humanité. Ils savent que, désormais, une épée de Damoclès pèse sur la tête des chefs militaires tentés de réprimer par la violence les aspirations démocratiques exprimées par la population. Ils devraient garantir — plutôt que contrarier – le processus de transition démocratique.
Cette analyse s’applique-t-elle aux services de renseignement ?
Le Président Abdelaziz Bouteflika s’est attelé, dès son deuxième mandat, à découpler Etat-major et services de renseignement. L’objectif était d’éviter la constitution d’un pôle de pouvoir susceptible de contrebalancer le sien propre. L’Etat-major de l’ANP s’est recentré sur ses missions techniques et le DRS a cessé de jouer le rôle d’interface avec la société politique. Le DRS a conservé de l’influence sur la société virtuelle — institutions, appareils et responsables évoluant dans la sphère officielle. La société réelle — réseaux de l’économie informelle et cellules salafistes évoluant au cœur de la société – échappe à son contrôle. La disparition du terrorisme comme menace pressante a conduit le DRS à se réorienter vers d’autres missions, comme la contre-intelligence économique. Nonobstant la diversité des évolutions respectives du corps de bataille dans l’ANP et des services de renseignement, il est probable que l’Etat-major et le DRS vont resserrer les rangs pour faire front commun contre les incertitudes de la conjoncture en cours.
Vous évoquez, en permanence, une crise de la diplomatie algérienne. Quelle est la nature de cette crise ?
Cette crise porte sur les fondements doctrinaux de la diplomatie algérienne et le mode de fonctionnement de l’appareil diplomatique. Contentons-nous, pour l’heure, de consigner trois aspects majeurs de cette crise. Absence d’anticipation stratégique, absence de consensus national autour de la politique étrangère et absence de réactivité de l’appareil diplomatique. Avec pour résultante, une ambiguïté doctrinale persistante, un manque crucial de visibilité stratégique et un déploiement peu efficient de l’appareil diplomatique algérien.
Quel pourrait être le cours des évènements désormais que la course à la présidence semble ouverte ?
En l’absence d’un capitaine au gouvernail, quels scénarios d’évolution pour la situation à venir en Algérie ? Le statu quo, tout d’abord. Le commandement militaire et les services de renseignement pourraient procéder à un «coup de force» pour destituer l’actuel chef de l’Etat et introniser un nouveau à sa place en vue de perpétuer le statu quo. L’ère des coups d’Etat militaires étant révolue, il est improbable que les chefs militaires, aux commandes du corps de bataille et de l’appareil de renseignement, se rebellent contre le pouvoir légal. Ces détenteurs des «vrais leviers de pouvoir» pourraient-ils maintenir, virtuellement, M. Abdelaziz Bouteflika à son poste jusqu’à 2014 ? Le climat social délétère qui règne dans le pays avec l’état d’exaspération qui agite l’opinion publique nationale ne sont pas d’augure pour procurer l’état de grâce sans lequel ce scénario serait impraticable. La succession violente, ensuite. L’Etat étant, potentiellement, défaillant, de profondes divisions politiques, jusque-là étouffées, risquent d’apparaître. De puissantes manifestations pourraient éclater et servir de catalyseur à un soulèvement populaire impromptu. La police ne pouvant y faire face, l’armée sera, forcément, requise. Improbable que les chefs militaires acceptent de tirer sur la foule. Le sort du pays dépendra des rapports qui se noueront entre l’armée et la population. La succession pacifique, enfin. Une élection ouverte et pluraliste où les candidats déclarés se livreraient à une compétition loyale est-elle possible ? Il est difficile d’imaginer que l’administration publique puisse organiser, dans un délai de soixante jours, un scrutin présidentiel incontestable. L’administration publique algérienne est mieux préparée à organiser des élections truquées que des scrutins transparents.
En prévision de la future élection présidentielle, quels noms peuvent venir à l’esprit ?
Ceux de MM. Mouloud Hamrouche et Ali Benflis suivis de M. Ahmed Benbitour. Trois autres noms sont à prendre en considération. Ceux de MM. Abdelaziz Belkhadem, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal. M. Abdelaziz Belkhadem pourrait voir s’agréger, autour de lui, une partie de l’électorat islamiste, les deux autres postulants pourront compter, le cas échéant, sur la sympathie d’un électorat minoritaire, et le soutien de certains appareils administratifs publics. Il ne faut pas, néanmoins, sous-estimer la posture de M. Abderezzak Mokri, le président du MSP, fraîchement élu, qui pourrait ratisser large parmi les électeurs islamistes.
Hormis ces scénarios, il n’existerait pas de solution consensuelle permettant de faire l’économie d’un scrutin contesté ?
Cette solution existe. C’est le Président Liamine Zeroual qui la symbolise. Il continue de bénéficier d’une large adhésion populaire ainsi que de la sympathie de toutes les institutions nationales — partis, services de renseignement et armée inclus —. Il est l’homme idoine pour conduire une véritable et courte transition avant de passer le relais dans un délai maximal de deux ans. Le temps que les partis politiques se reconstituent, que le mouvement syndical et associatif reprenne souffle et que des leaders de dimension nationale s’imposent. Mais le Président Liamine Zeroual est, farouchement, hostile à toute idée de retour sur la scène publique.
Pourquoi, alors, évoquer cette hypothèse ?
Le Président Liamine Zeroual est une conscience troublée mais vigilante. C’est un homme moral, pas un homme politique. Encore moins un «homme providentiel». Il faudrait réveiller le soldat qui sommeille en lui afin qu’il aille au sacrifice au profit de la patrie. Les autres candidats potentiels cités devraient se donner la main et se rassembler autour de M. Liamine Zeroual. C’est l’avenir de l’Algérie qui est en jeu.
Quels sont les défis majeurs qui attendent le futur Président algérien ?
Le futur Président sera tenu d’engager, sans délai, un processus de transition démocratique comportant, en particulier, l’élection d’une Assemblée constituante. Le futur chef de l’Etat devra s’atteler à réconcilier morale et politique dans un pays où la gouvernance publique a pris ses aises avec les valeurs éthiques. C’est une exigence qui est au cœur des attentes populaires.
M. H.

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