samedi 31 mars 2018

De la Saoura à Amarna, la résitance en marche

Dans une réponse à une petite incursion dans l'histoire de la vallée de la Saoura, à travers un texte sublime emprunté à Leilla Assas et publié dans Babzman, le réalisateur Larbi Lakehal, que j'avais incidemment cité dans mon post, m'a fait cette réponse bouleversante : 

Merci cher ami Azziz, je peux dire aujourd'hui après mon passage et cette excellente expérience de Mostaganem, que j'ai gagné une grande amitié dans cette ville dont tu es, Azziz ma grande fierté...Merci pour tout ce que tu as fait pour la réussite de notre projet. 

Larbi Lakehal

 

 Ce texte d'une grande densité ne pouvait pas me laisser insensible. J'ai laissé les choses se décanter toute la nuit du 30 et 3 mars 2018. Ce matin, je me suis dis qu'il fallait au moins répondre à cette générosité et le dire en quelques mots. Et puis, au fil des mots, je me suis laissé guider pour produire ce long texte. Comme d'habitude, ceux qui ont la chance de pouvoir écrire le savent très bien, l'appétit se nourris de lui meme. Alors je me suis retrouvé à remonter dans le temps...et parler de quelques instants de félicité que j'ai personnellement vécu dans ma chair au moment du tournage...un aide mémoire à verser à cette formidable épopée, sur les terres singulières des Amarna, à l'ombre bienfaitrice de Sidi Abdallah...Voici une autre page de ce fabuleux projet cinématographique autour de la résistance de la Zaouia Rahmaniya...à travers ses valeureux héros, Si Ahmed Bensalem, Lalla Fadh'ma N'soummer, Cheikh Boubaghla, Cheih Ahaddad, Cheikh Mokrani...et l'incontournable Emir Abdelkader, l'icone de la résistance et le fondateur de l'Etat National moderne...
 

 

Mon Cher Lakehal Larbi, merci pour tes mots si gentils envers ma modeste personne...a tes cotés, j'ai appris la générosité, l’abnégation et surtout l'élégance...sur ce tournage très particulier, car traitant d'un sujet dont la portée symbolique est cardinale pour la connaissance de nos combats et de ceux de nos aieux, tu a fais preuve d'engagements feutré et de discernements incisifs...face à l'adversité des éléments et parfois, hélas, des hommes, tu as été la Timonier qui nous a évité les nombreux et si agressifs récifs, pour nous mener à bon port...avec à la clef, avec si peu de moyens et si peu de soutiens, des images et des séquences d'une enivrante beauté...de ce petit hameau des Amarna, tu as réussi la grande gageure de produire de quoi offrir aux publics cinéphile et aussi universitaire, culturel et journalistique, une œuvre d'une insoutenable beauté plastique...et Historique...

 

Avec ton équipe technique chevronnée,compétente et très disponible,- je cite dans le désordre Zinou, Abdo, Rachid, Tahar, Zoubir, Farida, Nabila...et tous les autres-, tu as su soutirer le meilleur de chacun, pour aboutir à une oeuvre collective d'une troublante intensité...je me souviens aussi de la grande symbiose que tu as créée entre les acteurs et les figurants de Mosta et les habitants du hameau des Amarna et de Sidi Abdallah...je me souviens particulièrement de la première journée à Sidi Abdallah...avec les enfants de Salsabil - clin d'oeil à Hadj Braham Benkritly et à Abed Djamel Eddine Bensaber- lorsque tu as transformé ces freles enfants en véritables acteurs à part entière... je les ai vu frémissants, accepter dans l'allégresse, de troquer leurs tenues, en costumes d'époques...comment te dire mon émotion,comment justifier mes larmes, celles d'un orphelin qui se projette dans son passé et qui se remémore les moindres gestes de soutien...et cette rencontre avec ce groupe d'étudiants, qui une fois dans leurs tenues de soldats français, se mirent à douter...certains voulaient meme ne pas incarner ces militaires sanguinaires venus semer la haine, la mort et les enfumades...et qui se glissèrent sans broncher dans leurs rôles respectifs, acceptant de se partager des selfies, en costumes militaires...cette transformation radicale est le fruit de ton travail...certes, elle ne passera pas à l'écran, mais elle marquera les esprits, car elle a fait franchir à ces jeunes étudiants,une étape considérable, décisive et irréversible...vers la lumière...

 

Ces hommes des Amarna, venus retrouver leur hameau abandonné et qui se glissèrent avec panache dans les rôles que tu leur avais concocté...à la tombée de la nuit...cette symbiose que tu a parfaitement accomplie, restera dans toutes les mémoires...voir ces centaines de figurants se replonger avec engouement dans le 19ème siècle, prendre individuellement conscience de participer à la réincarnation de faits historiques, n'est pas une mince affaire...que d'y avoir modestement participé, surtout à tes cotés et aux cotés de toute l'équipe de tournage, restera pour moi une belle consécration dans ma quête perpétuelle de réappropriation de notre Histoire chevaleresque...ça n'est pas rien dans la vie d'un militant...surtout que j'avais à mes cotés, ma propre fille Samira, qui a appris plein de belles choses et qui a été fortement impressionnée par le rythme de travail et la grande application osmotique de l'ensemble de l'équipage...Dont tu es le seul et véritable capitaine...Merci Monsieur Lakehal Larbi...le faiseur de miracles...

Aziz Mouats, Mostaganem, le 31 mars 2018.

 
 

Voici l'article de Leilla Assas:

Si mon pays m'était conté...
La vallée de la Saoura.

C'est une région enclavée, que l’erg occidental serpente. Située au sud-ouest de l’Algérie, elle doit son nom à l’Oued Saoura formé par la confluence de Oued Zousfana et Oued Guir.
Les gravures rupestres vielles de plus de 30.000 ans (Ghar diba, la « grotte de la louve ») nous renseignent sur la vie préhistorique, faite d’élevage et de cueillette.
Plus tard, la vallée devint grâce à son emplacement géographique, un passage incontournable des caravanes et un carrefour important, rapprochant la méditerranée à Afrique de l’ouest. On raconte à ce sujet, que le Sultan Noir (Lakhel ) Abû al-Hasan `Alî le sultan mérinide de Sijilmassa y séjourna .
La vallée de la Saoura est reconnaissable entre mille, grâce à ses caractéristiques géographiques, ses couleurs et sa diversité affirmée par la présence d’un sable ocre, qui contraste avec les paysages lunaires des régions du nord-ouest. Le chapelet des ksours de la vallée est quant à lui, le théâtre de célébrations mystiques.
Mysticisme et spiritualité

La vie des ksours s’articule autour d’un mysticisme cultivé depuis des ères lointaines. L’architecture des ksours est vielle de plus de 15 siècles, elle est l’emblème du génie de l’homme qui a réussit à dompter une terre aride et peu clémente. La construction, et l’aménagement des ksours illustrent et consolident la configuration sociale.
Parmi les principaux ksours, on compte celui d’ El Bayadh (el fantasia), on y célèbre encore aujourd’hui la parade des chevaliers, symbole du passé chevaleresque de la région. Par ailleurs, le ksar fut marqué par le passage de Cheikh Bouamama.
L’antique kenadssa, constitue le siège des Ziani, une confrérie fondée par Sidi Mohamed Ziane. La ville forteresse, compte certains édifices religieux tels que la mosquée De Sidi Ahmed Abderhamne, construite au XVII siècle. Aux alentours, Seule Béchar, une ville coloniale anciennement appelée Colomb-Béchar est de création récente .
La fameuse Taghit, dite « l’enchanteresse » la perle du grand erg occidental, est quant à elle célèbre pour la fête du moussem, célébrée au mois d’octobre à l’occasion de la fin des travaux agraires.
Enfin, Beni abbès, constitue l’épicentre de la région; c’est un véritable foyer de pèlerinage, qui chaque année rassemble des milliers de fidèles venus de toute part pour Evènement majeur de la vallée de Saoura.
Toutes les zaouïas des ksours de la vallée se réunissent lors de la célébration du Mawlid (fête religieuse commémorant la naissance du prophète Mohamed); pendant laquelle les principaux pôles spirituels de la vallée de la Saoura ( Zaouia de Sidi M’hamed Ben Bouziane de Kenadsa, de Sidi Slimane Ben Bousmaha de Béni-Ounif, et celle de Sidi Ahmed Benmoussa Moulay de Kerzaz) convergent et célèbrent l’événement. Les bougies ornent les maisons et les chants liturgiques et prières résonnent jusqu’à l’aube .
« Par la célébration du mawlid, la communauté redevient contemporaine du Prophète. Elle « assiste » à la naissance de celui auquel elle doit son existence en tant que communauté ».* Le fait religieux comme vecteur social marque la société, et jalonne la vie quotidienne des contrées du Sahara; lla vallée de la Saoura ne déroge pas à cette règle. Le rite de par sa double fonction : célébration et communion, assure la pérennité du tissus social .

Leilla Assas pour Babzman
 

vendredi 23 mars 2018

De Boabdil à Sidi Mejdoub

Autant je comprends la tristesse et la douleurs de ceux qui ressentent très sincèrement cette issue comme une agression contre leur patrimoine, autant je ne comprends pas pourquoi ont n'a rien fait pour sauvegarder ces lieux remplis d'histoire...
Je connais cet endroit depuis l'année 1971...je connais la plupart des familles qui y possédaient une maison ou un cabanon, j'ai appris à connaitre le passé glorieux de ce lieux d'histoire et de patriotisme...j'ai été choqué lorsque l'ex wali Maabed avait pris la décision de procéder aux expropriations, puis je n'ai pas cherché à comprendre pourquoi de nombreux propriétaires ont accepté les offres d'expropriation...j'ai soutenu les groupe présidé par mon ami Mejdoub Kaid Omar...nous avons longuement discuté de ce qui était possible de faire pour sauver le site...puis j'ai vu les premières démolitions et j'ai eu le coeur serré...maintenant il faut se dire les choses frontalement, est- ce Kharrouba Plage était encore digne de représenter la fierté des Mostaganémois? Vu l'état de délabrement avancé, était il juste de laisser les choses se dégrader au point où plus personne ne reconnaissait l'endroit où il a grandi et appris à nager...Franchement la situation était devenue insoutenable...Faut il continuer à se lamenter? A mon humble avis, il serait plus constructif de se retrouver, de s'organiser solidairement et d’impulser une développement harmonieux qui garde le cachet ancien et qui préserve ce site magnifique...Il est plus que temps de s'impliquer afin que les aménagements soient à la fois harmonieux et modernes....un site qui serait une belle copie de celui de Sidi Boussaid en Tunisie, avec en plus une belle et spacieuse marina...des boutiques pour artisans, des maisons d’hôtes, des restaurants, des aires de détente...tout ceci sera possible, ensemble, nous pourrons faire de Sidi Mejdoub un havre de paix où les familles de Mostaganem, de Tobbana ou de Tigditt pourraient venir se prélasser sans se faire agresser par la laideur et par la désolation...Je ne suis pas toujours d'accord avec l'APC, mais je sais qu'elle se compose de personnes ouvertes au dialogue et à la concertation...je sais aussi que Mosta possède de bons, voire de très bons architectes qui auront à coeur de donner à leur ville un exutoire balnéaire digne du passé glorieux de ses habitants...Il faut aussi y inclure une promenade en la forme d'un belvédère qui partirait de Sidi Mejdoub jusqu'au site de l'ancien restaurant La Sirène...il serait possible de prolonger la route et les jusqu'au rocher dit des "Trois frères" et pourquoi ne pas prolonger la promenade jusqu'à la plage du Chéliff "Sonaghter"? 
Pour cela, il faut se mobiliser dans la sagesse et le sérieux et travailler avec tous les responsables, tout en tenant la population informée de toutes les démarches...c'est ça le vrai développement! et surtout éviter les calamiteuses constructions de Salamandre et des Sablettes...Voilà un projet qui projetterait Mostaganem dans le futur et qui en fera très certainement une petite perle dans la méditerranée...Cessons nos lamentations et prenons le taureau par les cornes, il y a du travail pour tous...de grace mes amis, ne faisons pas comme Boabdil, ne pleurons plus sur les ruines...

jeudi 22 mars 2018

La fin des légitimités

 Face à la haine qui s'installe à l'ombre de la Macronie, un intellectuel ose une autre approche, plus pragmatique et plus humaine. Ici, Olivier Le Cour Grandmaison, prend sur lui démonter le mur de la haine que d'anciens ministres et autres intellectuels fortement marquée du racisme primaire tentent d'imposer à une France frileuse...et tentée par la bête immonde...

"En réponse à leurs attaques passées, réitérées et à venir, notre résistance doit être constante, déterminée, unitaire et conduite sur tous les fronts. En nous stigmatisant, ils veulent nous réduire au silence et à l’inaction. Contre ces nouveaux censeurs emportés par un prurit toujours plus autoritaire, il est urgent d’écrire, de parler et d’agir. Donc acte."

 

En réponse aux signataires de l’Appel contre « le séparatisme islamiste »

Le 19 mars, Le Figaro a publié une tribune intitulée : « L’appel des 100 intellectuels contre le séparatisme islamiste ». Je réagis aujourd'hui : «Sans être d’accord, je pensais que j’allais humer l’air vif des sommets ; je n’ai fait que respirer les remugles d’eaux troubles et grasses, agitées par des poncifs rebattus qui courent comptoirs et rues».

« Il était réservé à notre temps de voir des hommes de pensée ou qui se disent tels faire profession de ne soumettre leur patriotisme à aucun contrôle de leur jugement, (…) déclarer traîtres à leur nation ceux de leurs compatriotes qui gardent à son égard leur liberté d’esprit ou du moins de parole. (…) Ces remarques expliquent la volonté si fréquente chez l’écrivain français contemporain de prendre une posture politique, mais non pourquoi elle est si ponctuellement, encore que plus ou moins franchement, dans le sens autoritaire. C’est ici qu’intervient un second facteur : la volonté, chez l’écrivain pratique, de plaire à la bourgeoisie, laquelle fait les renommées et dispense les honneurs. » Julien Benda, La Trahison des clercs
L’heure est grave ! Que dis-je, idiot utile, inconscient et aveugle au front bas que je suis, elle est extrêmement grave. Oyez bons Français et fiers patriotes : un spectre hante l’Europe et notre beau pays menacé par le « totalitarisme islamiste » qui ne cesse de progresser. Hier, des quartiers populaires sont passés sous la coupe de musulmans radicaux, selon certains qui pensent être des visionnaires éclairés et éclairants. Aujourd’hui, c’est plus terrible encore, des forces françaises antirépublicaines s’activent pour relayer les actions de ces mahométans et détruire « la paix civile. » Après les coups de menton, les menaces sans fondement juridique du ministre de l’Education nationale, qui pourrait fort légitimement remplacer l’actuel Sinistre[1] de l’Intérieur, et ses diatribes policières contre SUD Education 93 voué aux gémonies pour avoir osé organiser – crime de lèse-république - une réunion consacrée au « racisme d’Etat » et des ateliers en « non-mixité raciale », les signataires de l’Appel précité s’en prennent de nouveau à cette organisation syndicale. Original et courageux, n’est-ce pas ? Subtile répartition des tâches. Jean-Michel Blanquer a ouvert les hostilités, avec l’approbation d’une majorité aux ordres, du gouvernement et de Jupiter, les signataires de cet Appel poursuivent la traque, organisent la meute, fouettent les passions en espérant un sursaut de l’opinion publique, comme on dit, et peut-être de nouveaux anathèmes ministériels contre ce syndicat honni. N’oublions pas Frédéric Potier, récemment nommé délégué à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah). En bon petit soldat soucieux de donner des gages de soumission et d’orthodoxie lexicale et politique à ceux qui l’ont désigné à ces nobles fonctions, il a déclaré : « Il n’y a pas de racisme d’Etat. Cette notion, c’est une aberration.[2] » Ivresse du pouvoir et vanité puérile qui font croire à celui qui l’exerce qu’il peut ruiner un concept par quelques phrases prétendument assassines. Dérisoire et risible.
Eu égard à la gravité de la situation, une cohorte d’hommes et de femmes venus d’horizons politiques différents ont donc décidé d’unir leurs forces et de faire fi de leurs divergences. Formidable courage qui témoigne, laissent-ils entendre, de leur capacité à s’émanciper de leurs opinions singulières pour faire triompher l’intérêt général et la défense de la République menacée. Admirable union sacrée. Plus admirable encore la qualité des signataires. Juristes, avocats, professeurs, philosophes, docteurs, agrégés, essayistes pressés, - c’est un pléonasme -, chroniqueurs divers que réunissent des obsessions communes : l’islam, les quartiers populaires « gangrenés par la charia » et les jeunes « issus de l’immigration », l’inévitable I. Rioufol[3] et la subtile E. Lévy, bien sûr, quelques académiciens, qui pensent que depuis qu’ils siègent sous la coupole, leurs travaux sont devenus immortels, et deux anciens membres de gouvernement. Un prétendu ami de la sagesse et de la vérité, L. Ferry, qui a oublié qu’on ne peut servir deux maîtres, la philosophie et le(s) pouvoir(s), et qui depuis longtemps préfère le(s) second(s) à la première. Un humanitaire revenu de tout sauf de lui-même, B. Kouchner, prêt à soutenir quiconque lui ouvre les portes du prestigieux Quai d’Orsay comme il en a fait la démonstration servile. Avec raison, l’un et l’autre prennent soin d’exhiber leur titre de ministre car beaucoup de lecteurs n’ont aucun souvenir de leurs fonctions passées. Une loi, une décision ou action mémorables ? Que nenni ! Ils n’ont fait que passer.
Mais qu’importe. L’addition de ces personnalités intellectuelles, et de ces esprits forts et cultivés laissaient augurer un texte puissant, servi par des plumes inventives et brillantes. Sans être d’accord, je pensais que j’allais humer l’air vif des sommets ; je n’ai fait que respirer les remugles d’eaux troubles et grasses, agitées par des poncifs rebattus qui courent comptoirs et rues. Quant au clinquant des titres et des notoriétés affichés, il ne change rien à l’affaire ; il prouve seulement que ceux qui se croient haut pensent bas, quelquefois. Pensent-ils seulement ? Non. Ils lestent des opinions communes d’une légitimité académique susceptible de les faire passer pour des réflexions importantes. J’ignore qui a tenu le clavier mais le résultat pourrait laisser croire qu’un communicant affairé, et dépassé par les éléments de langage qui lui ont été imposés, s’est attelé à cette tâche en débitant avec empressement lieux communs, amalgames, raccourcis grossiers, confusions inacceptables que certains professeur-e-s signataires ne tolèreraient pas de leurs étudiant-e-s. Et les voilà conduits sur cette pente où, pour paraphraser L. Wittgenstein, les savoirs acquis au cours d’études longues et difficiles « n’améliorent en rien » leur « façon de penser (…) les questions importantes de la vie de tous les jours » ce pourquoi ils se font démagogues vulgaires en utilisant « des expressions dangereuses que les gens de cette espèce utilisent pour leurs propres fins. »
SUD Education 93 et quelques autres sont ainsi accusés de favoriser, par leurs initiatives, « le séparatisme islamiste » et de se battre pour « accorder » aux prétendus « dominés » des « privilèges » singuliers en lieu et place des beautés immarcescibles des lois républicaines, celles-là mêmes qui sont au fondement de l’unité de la « communauté nationale. » En effet, comme chacun devrait le savoir, les dispositions législatives, la justice et les possibilités offertes aux citoyens de ce pays sont égales pour tous. Nulle discrimination raciale et/ou religieuse n’affecte l’existence des uns et des autres car tous peuvent s’épanouir librement et également en constatant chaque jour l’effectivité de la sublime devise inscrite au fronton des bâtiments publics. La police, quant à elle, est au-dessus de tout soupçon puisque républicaine, agissant dans le cadre de la Constitution, respectueuse des lois, des règlements et des circulaires, elle n’effectue aucun contrôle au faciès et use de la violence avec discernement, toujours. Admirables syllogismes et puissance de la raison étayée par des connaissances précises et variées ? Piteux triomphe de la “pensée” défaite qui dégénère en idéologie où les faits, les événements et les nombreuses enquêtes menées depuis longtemps, corroborées par plusieurs institutions indépendantes et sûres – le Défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) – sont traités en chiens crevés dès lors qu’ils sont susceptibles de contredire si peu que ce soit les affirmations péremptoires des signataires.
Les faits sont têtus, affirmait un homme politique célèbre. Présentement il y a plus têtus qu’eux puisque dans le monde enchanté des mêmes, ni dominé-e-s, ni discriminé-e-s n’existent ; seuls demeurent des citoyens vivant dans le subtil éther républicain où tout n’est que liberté, égalité et fraternité. Les réalités sont autres ? Qu’importe. Au mieux, elles sont euphémisées, au pire elles sont niées. La preuve de l’existence d’un phénomène idéologique ? Son caractère rebelle à toute falsification et sa persévérance quels que soient les éléments factuels et les savoirs mobilisés pour l’infirmer. Les auteurs de cet Appel en font la démonstration probante. Pour eux, les analyses, les catégories et les termes non conformes à leurs présupposés ne sont qu’inventions de militants radicaux et irresponsables auxquels des universitaires et des chercheurs, contaminés par la sociologie, l’histoire et/ou la philosophie critiques, ces pauvres filles de la « pensée 68 », apportent leur soutien et leur insupportable « culture de l’excuse. » Pis encore, ceux qui prétendent combattre le racisme institutionnel et les discriminations, qui n’existent que dans leur imagination, sont les fourriers d’un « apartheid d’un nouveau genre » et d’une « ségrégation à l’envers. » Acmé de l’argumentation ? Echolalie sommaire de la rhétorique réactionnaire et de la thèse bien connue de « l’effet pervers » où « toute tentative pour modifier l’ordre existant produit des effets strictement contraires au but recherché. [4] »
SUD Education 93 et ses alliés supposés deviennent ainsi de dangereux activistes qui encouragent « la haine la plus caractérisée à l’égard de notre pays et de la démocratie », et font peser sur la douce France des menaces existentielles. Des adversaires ? Non, des ennemis à bien lire ceux qui souscrivent à ces formulations radicales bien faites pour susciter cette passion souvent mauvaise qu’est l’indignation. Nous ne leur ferons pas l’injure de croire qu’ils ne savent pas ce que les mots veulent dire.
Les signataires de cet Appel s’en prennent de façon toujours plus violente aux femmes, aux hommes et aux organisations diverses qui défendent un antiracisme politique. N’oublions pas les animateurs du « Printemps républicain. » « Hiver » serait plus adéquat pour qualifier cette petite mais influente cohorte conduite par un professeur de sciences politiques reconverti dans la vigilance tweetesque qui lui a permis d’accéder à une certaine notoriété dont il n’avait jamais jouie jusque-là. Ne négligeons pas la puissance de leur alliance objective et de leur proximité idéologique ; beaucoup d’entre eux ont micros et caméras ouverts dans les médias où ils se répandent à qui mieux-mieux tout en prétendant subir la censure des « bienpensants » et des « islamo-gauchistes. » Les uns et les autres ont déjà gagné de nombreuses batailles et rallié à leur cause des soutiens multiples, conséquents et quelquefois surprenants. En réponse à leurs attaques passées, réitérées et à venir, notre résistance doit être constante, déterminée, unitaire et conduite sur tous les fronts. En nous stigmatisant, ils veulent nous réduire au silence et à l’inaction. Contre ces nouveaux censeurs emportés par un prurit toujours plus autoritaire, il est urgent d’écrire, de parler et d’agir. Donc acte.
  1. Le Cour Grandmaison, universitaire. Dernier ouvrage paru : L’empire des hygiénistes. Vivre aux colonies, Fayard, 2014

[1]. A l’attention de celles et ceux qui penseraient qu’il s’agit d’une insupportable et impardonnable faute de frappe, je précise qu’il n’en est rien.
[2]. Le Monde, 20 mars 2018, p. 7.
[3]. I. Rioufol, « 2017, l’ultime année du sursaut espéré. », Le Figaro, 6 janvier 2017, p. 15. Après avoir écrit que « l’Occident évitera la débâcle s’il renoue avec l’autorité, la force » et « la guerre », critiqué la trahison de « Merkel », qui a ouvert « les portes [de l’Europe] à plus d’un million de musulmans », et « l’islamophilie d’Obama », qui a « accentué la vulnérabilité du monde libre », le même salue les positions courageuses de François Fillon, de Marine Le Pen et de Donald Trump. Charmante coalition ! De haute tenue, aussi.
[4]. A. O. Hirschman, Deux siècles de rhétorique réactionnaire, Paris, Fayard, 1991.


  • mercredi 14 mars 2018

    La leçon de patriotisme de Hosni Kitouni

    Je venais à peine de publier un article sur "les Ratages patriotiques" que je découvre cette lettre à coeur ouvert de Hosni Kitouni...en réponse à l'appel à la désertion d'Amira Bouraoui, le coqueluche de réseaux sociaux indigènes...Cette contribution de mon ami et collègue Hosni Kitouni remet toutes les pendules à l'heure...s'il faut lutter c'est ici et en toute responsabilité...et nulle part ailleurs...
    c'est aussi ça la flamme de Novembre...

    Kitouni Hosni  

    Chère Amira Bouraoui, laissez moi vous conter une autre histoire un peu différente de la vôtre. J'avais 5 ans, mon père était tailleur de profession, il possédait deux magasins l'un à Skikda l'autre à Constantine. C'était un homme respecté, diplômé de l'école de Paris en haute couture. Il gagnait très bien sa vie, avait une famille de quatre enfants. J'étais son aîné. Son fils aimant. Un jour il disparaît. Je n'ai rien compris sur le moment, ma mère n'a voulu rien me dire. Du jour au lendemain les deux magasins sont fermés et nous nous retrouvons sans le sou pour vivre. C'est alors que commence l'enfer au quotidien: la police tous les jours, l'armée sur le toit de notre maison toutes les nuits,ils cherchaient père. Les interrogatoires, les convocations au commissariat. Ma mère en larmes, désespérée ne sachant que faire. C'est ainsi que j'appris que mon père a rejoint le maquis. En 1957, le 19 octobre exactement en sortant de l'école j'ai aperçu la photo de mon père sur le journal la Dépêche de Constantine.On y lisait qu'il a été tué aux abords de la ville. Je rentre à la maison où je trouve mère en train de laver le linge dans la cours. Je lui annonce alors que mon père est mort. C'est moi qui lui apprend la tragédie survenue. C'est ainsi que nous sommes définitivement devenus orphelins.Une mère analphabète, qui n'avait aucun membre de sa famille vivant. Ce sacrifice , le plus grand qui soit , le don de la vie, Père l'a fait en abandonnant carrière et famille. Et que dire de Benboulaid, BenMhidi et de tant d'autres. "Il n'est jamais rien donné à l'homme, ni sa force ni sa faiblesse", dit le poète. 
     
    Certes les temps sont durs , mais c'est parce qu'ils sont durs que le combat mérite d'être mené. Oui comme vous, je suis envahi par le désespoir, mais en regardant au loin le combat de nos aînés, je me dis que rien n'est impossible. Ils sont grands parce qu'ils ont accompli une grande chose. Le plus magnifique exemple est à cet égard Belouazdad, c'est la figure la plus emblématique du sacrifice et de l'engagement, son visage illumine le ciel de l'Algérie, tuberculeux, démuni il a mené le combat militant jusqu’au dernier souffle. Que vaut notre sacrifice auprès du sien. Ce sont ces visages qui doivent nous servir d'exemple. C'est pour poursuivre leur combat et sauver leur idéal qu'il faut maintenir la flamme allumée. Les larmes , elle sont belles quand elles envahissent le visage d'une femme courageuse. Vous êtes une femme courage et ils sont très nombreux à vous aimer. En toute amitié voici une photo de cet enfant dont je vous parlais, il est là avec son père , une dernière fois réunis.

    Ratages patriotiques


    Hier, 28 février 1847, Si Ahmed Bensalem, beau père de l'Emr Abdelkader déposait les armes et cessait la résistance...c'est dans le Bureau Arabe d'Aumale Sour El Ghozlane qu'il signera sa reddition face à Bugeaud, le sanguinaire gouverneur général de l'Algérie...la scène tournée hier 13 mars 2018 au niveau de l’ex école de Beaux Arts de Mostaganem est venue ponctuer 2 semaines d'intenses travaux de tournage du film Documentaire fiction dont la réalisation a été confiée à Larbi Lakehal...la journée avait commencée avec le tournage des dernières séquences au niveau du Marabout de Sidi Mansour...et de la plage éponyme...qui a servi de site pour simuler le débarquement du 14 juin 1830 à Sidi Ferruch...Ce furent 14 jours d'une insoutenable tension...avec le seul soutien des habitants de la région de Amarna...enfants, adultes et vieillards se sont glissés avec conviction dans les costumes d'époque pour incarner des personnages qui ont fait l'histoire de la résistance sous la bannière de la Zaouiya Rahmaniya...
    Si durant la période de préparation, nous avions été inondés de promesses publiques et privées, très vite ces belles intentions se sont évaporées les unes à la suite des autres. Tout s’est passé comme si, dans ce pays, il ne restait plus aucune valeur...c’est terrible à dire...et c’est encore plus terrible à supporter...comme je me suis personnellement engagé auprès de la dynamique productrice, j’ai dû en subir dans ma chair les défections successives...mis à part la mairie de Fornaka, dont les élus ont tenus promesse, rien n’est venu de l’administration locale...qui a brillé par son absence et par son dédain. Pourtant, à l’origine, dans les hautes sphères de l’administration, on nous a laissé croire que nous allions trouvé un soutien total...Faut-il rappeler que ce projet était soutenu par le ministère de la culture? et qu’à ce titre, il bénéficiait de l’argent public, donc de celui du contribuable citoyen. Il ne s’agit pas d’un sitcom ou autre documentaire à caractère lucratif destiné à fourvoyer le téléspectateur. Est-il nécessaire de rappeler que la finalité du film est de donner une consistance à ce que furent les souffrances et les résistances des Algériens face à la machine sanguinaire déployée par l’armée coloniale en vue de réduire ce peuple?
    Comment expliquer que de toutes les entreprises publiques et privées, indigènes ou à capitaux mixtes, grande ou petite, aucune n’a estimé de son role de soutenir ce projet? Un projet dont le caractère patriotique est incontestable! Faut-il espérer un sursaut? Peut etre que lors du tournage en Kabylie l’honneur sera sauf!
    Car dans le mostaganémois, les porteurs du projet ont été livrés à eux mèmes! Nous avons travaillé dans des conditions impossibles. Avec nos véhicules, nous avons empruntés des chemins dignes du salaire de la peur. Tous les jours! C’est à peine si nous avions réussi à colmater les nombreuse crevasses qui rendent le parcours très risqué. C’est un vrai miracle que d’avoir échappé à un accident qui aurait eu de conséquences incalculables. La chaussée rendue glissante à chaque chute de pluie a été une hantise permanente des organisateurs et du sympathique chauffeur de bus qui a bravé avec nous les pires dangers....et la nuit noire...car dès le premier jour, les tournages se sont prolongés parfois jusqu’à 23 heures! En effet, une fois engagés dans le bourbier, Larbi Lakehal et son équipe technique n’avaient qu’une seule alternative, tourner le maximum de séquences afin d’épargner aux acteurs et autres figurants les désagréments du déplacement quotidien. Encore une fois, nous avons appris que de la difficulté nait la détermination. Voir ces deux grands garçons que sont M’hamed Benkerda et Hanafi Daouadji, enfants du coin, emprunter à pied, sous la pluie et le vent violent, le chemin  plus de 4 kilomètres qui sépare Kheireddine du hameau « Ech-Chatt », lieu du tournage, fut pour nous tous un acte de bravoure et de générosité inégalé. Retrouver, tous matins, le regard espiègle du propriétaire du paquet de maisons anciennes, avec toujours ce large sourire illuminant son visage émacié, fut pour moi un moment de grande félicité. Car pour lui, habitant Amarna, sur la rive gauche du Chéliff, le trajet est encore plus laborieux. Il doit remonter une pente raide de plus de 250 mètres de dénivelée et sur une distance de plus de 2 km pour reprendre son poste de gardiens en chef. Sans lui, sans son fils et son jeune frère, nous aurions été dans la nécessité de rentrer les équipements lourds et l’ensemble des accessoires, ainsi que le groupe électrogène prêté par la Protection Civile de Mostaganem.
    Le tournage aurait alors nécessité pas moins de 20 jours ! Avec plus de 25 techniciens, 10 machinistes, 4 gardiens et autant de chauffeurs, auxquels il faut rajouter une vingtaine de figurants et au bas mot une demi douzaine d’acteurs, le cout journalier du tournage aidant, il au fallu disposer de plusieurs milliards de budget. C’est pourquoi, sans jamais sacrifier à l’esthétique, le réalisateur et son équipe aux qualités professionnelles incontestables, ont tenu à façonner des images d’une beauté époustouflante.
    Cette fresque historique ne méritait-elle pas le soutien, meme symbolique des entreprises locales ? La réponse à cette question centrale du lien à la patrie est indisposante à plus d’un titre. Comment, des opérateurs publics et privés peuvent se détourner à ce point de cette œuvre de réhabilitation et de reconnaissance de la résistance héroïque de tout un peuple ? Comment des noms aussi prestigieux que ceux de l’Emir Abdelkader, le Chérif Boubaghla, Lalla Fadhma N’soumer, Cheikh Mokrani ou Cheikh Ahaddad, pour ne citer que ceux là, ne puissent pas mobiliser un mécénat national ? Alors que dans le forums et en dehors on ne cesse de soutenir que la jeunesse se désintéresse totalement –dramatiquement serait plus juste- de son histoire, pourquoi, ceux qui possèdent les moyens de remédier à cette terrible décrépitude continuent de tourner le dos à cette œuvre culturelle éminemment patriotique ? Il devient indécent de rappeler que dans ce pays, le mécénat puise ses ressources de la fraction fiscale des revenus de l’entreprise…c'est-à-dire que l’argent qui part vers le sponsoring est déjà celui que l’entreprise doit à l’impôt ! Le rappeler est en soi indécent…pourtant…sans le soutien du ministère de la culture, qui oserait engager ses sous pour perpétuer et faire connaitre l’histoire ?

    lundi 12 mars 2018

    Sur les traces de Bensalem, l'Emir Abdelkader

     Au moment où se tourne le documentaire fiction sur la résistance à travers l'exemple de la Zaouia Rahmaniya, il n'est pas superflu de jeter un regard sur les prémices de la reddition de l'Emir Abdelkader...ici, le Dr Driss Reffas tente une analyse de cette période lourde de l'histoire de la résistance nationale à la colonisation...
     lire la totalité de l'article sur ce lien: http://echosdesidibelabbes.info/?p=1623

    (...) Concernant la reddition du khalifa du Sebaou, l’Emir Abdelkader n’a à aucun moment pris la décision de condamner le geste, ni de prononcer un jugement contre lui . A travers les différentes lectures, je reprends celle mentionnée à la page 140 de l’ouvrage de B.Bessaïh– De Louis Philippe à Napoléon III, l’Emir Abdelkader vaincu mais triomphant- : « Au mois de février 1847, Sidi Ahmed Bensalem khalifa du Sebaou, avait fait sa soumission à condition qu’il serait transporté en Orient avec sa famille et tous ceux qui voulaient l’accompagner. Le maréchal Bugeaud ayant souscrit à cette condition, mit à la disposition de l’ancien khalifa un bâtiment de l’état, qui alla le prendre à Dellys. Au moment de s’embarquer, Bensalem écrivit une lettre à Abdelkader pour se justifier du parti qu’il avait pris. Dans cette lettre, il se louait beaucoup de la manière dont la France avait tenu sa promesse, il engageait son ancien maître, dans le cas où il se verrait réduit à imiter son exemple, à avoir confiance dans la parole des français. Cette lettre avait fait sur l’Emir une grande impression. »
    Bugeaud à travers le khalifa Bensalem a réussi à atteindre l’Emir qui était peut-être prédisposé à un acte pareil, lui qui était dans une situation trop embarrassante. Est-ce que l’Emir a tenu compte du conseil de son khalifa ?
    Après la première bataille contre l’armée Marocaine, l’Emir  voulant à tout prix arrêter l’effusion du sang entre deux  peuples de même race et de même religion, a envoyé son meilleur ami le khalifa Bouhmidi comme messager auprès du sultan. Bouhmidi fut emprisonné et plus tard assassiné. Une armée de 36000 hommes fut envoyée par le sultan à sa tête deux de ses fils. A cette force militaire se sont jointes les tribus du Rif qui ont lâché l’Emir. A travers cette confrontation militaire (malheureusement face à une armée arabe au service du Roi Philippe) on peut garder :
    L’Emir Abdelkader a subi lors de cette confrontation la coalition de deux armées (Marocaines et françaises), en plus du ralliement des tribus du Rif.
    – Son plan d’attaque a été dévoilé à l’ennemi (trahison ou infiltration),
    – L’Emir après la dernière expédition en territoire occupé qui a duré presque 12 mois, et  la première confrontation face à Moulay Hicham , son effective s’est réduit  à 800 hommes d’infanterie et 1200 cavaliers en manque de munitions. Une armée fatiguée, et atteinte moralement d’une part par les trahisons que subissait leur Emir, et d’autre part par  la situation sociale inquiétante de la Deïra( manque de ravitaillement, maladies…). Malgré les difficultés qui s’affichaient à tout instant, Les hommes ont tenu tête pendant plusieurs jours à l’avancée de l’armée de coalition.
    Pourquoi l’Emir a décidé de faire traverser la Deïra en Algérie colonisée ?
    L’Emir, se trouvant dans une impasse désespérée, a décidé de sauver sa Deïra des mains du Sultan du Gharb qui aurait pu  perpétrer un massacre. Peut-être pensait-il que la reddition de la Deïra à Lamoricière était beaucoup plus sécurisante, entre les mains d’un ennemi qu’il avait appris à estimer. Où bien, il était  prédisposé à faire comme son khalifa du Sebaou, et dans ce sens, il était obligé d’abord de garantir la sécurité de sa Deïra, et par la suite regrouper sa famille, et  ses proches collaborateurs pour un éventuel départ vers l’Orient. A titre de rappel, quatre vingt dix sept personnes ont embarqué avec l’Emir du port de Ghazaouet.
    Le général décrit la traversée de la Deïra : « Le 21(mois de décembre 1847), dit-il commence à traverser la Moulouya pour venir dans la plaine de Trifa. Un combat opiniâtre s’engage, plus de la moitié des fantassins réguliers et la meilleure partie des cavaliers y sont tués ; mais le passage s’exécute sans que les bagages soient pillés. Le soir, à cinq heures, les fantassins réguliers sont dispersés ; la Deïra a passé le Kis, est en entrée dans notre territoire. Les Marocains cessent de la poursuivre….J’étais convaincu, et je ne me trompais pas, que la Deïra venait de faire sa soumission. »
    Les évènements qui se sont produits pendant ce jour fatidique, sont soumises à un débat :
    1-Probablement que l’Emir a saisi le message transmis par son khalifa Bensalem sous l’œil attentif de Bugeaud qui a mis à  sa disposition un navire pour transporter sa famille en Orient. Dans cette vision, vraisemblablement que l’Emir a peut-être décidé  de libérer sa Deïra de 5000 personnes. Ainsi, sa négociation serait axée seulement sur le départ de sa propre famille, ses Khalifa, Aghas, divers collaborateurs et domestiques.
    Revenons à la « proposition » du khalifa Bensalem, et  apprécions le commentaire (p.141) de B.Bessaïh dans son ouvrage – l’Emir Abelkader vaincu mais triomphant- : « Si les autorités françaises avaient en effet respecté leurs engagements, c’est sans doute pour trois raisons essentielles :
    -Offrir à l’Emir une démonstration éclatante du respect de la parole donnée vis-à-vis d’un de ses lieutenants,
    – Ensuite les égards entretenus vis-à-vis d’un lieutenant seraient accrus pour un chef aussi prestigieux qu’Abdelkader,
    -Enfin saisir cette occasion pour inspirer à ce même lieutenant une lettre à son sultan dans laquelle il l’engageait à imiter son exemple dans le cas où il serait réduit un jour à le faire. C’est ce qu’on appelle devancer les évènements. »
    Dans le même ordre, évaluons le discours de l’Emir destiné à ses fidèles compagnons la nuit du 21 décembre 1847 : « La lutte est finie, dieu en décidé ainsi. Nous devons nous rendre à l’évidence. Nous avons combattu quinze années durant, pour sauver notre peuple de la domination chrétienne ; que puis-je  faire encore en restant dans ce pays alors que la cause est perdue…Les tribus elles mêmes sont fatiguées de la guerre. Elles furent tour à tour frappées par mon sabre et celui de l’ennemi…La seule question qui reste à trancher est la suivante :Faut-il se soumettre aux chrétiens ou à Moulay Abderahmane. Vous pouvez choisir ce qui vous parait le plus convenable. Quant à moi, mon choix est fait. Je préfère capituler devant l’ennemi que j’ai combattu et à qui j’ai infligé bien des défaites, plutôt qu’à un musulman qui m’a trahi. Je réclamerai de me rendre en terre musulmane, avec ma famille, et ceux d’entre vous qui voudront me suivre. » Et pour consolider son choix et dissiper le doute vis-à-vis de la volonté des français à respecter leurs engagements, il ajouta : « …D’ailleurs, n’ont-ils pas agi correctement avec le khalifa Bensalem au mois de février dernier. » Si l’Emir a nommé le sultan du Gharb de traître, pourquoi  ne l’a-t-il pas fait pour son khalifa ?
    2- La reddition des  deux frères aînés pose deux possibles  éventualités qui restent à discuter à savoir :
    a)- Sur injonction de l’Emir pour garantir l’âman de sa Deïra auprès de Lamoricière, et faciliter les discussions sur les conditions de son départ.
    b)- Reddition instantanée des deux frères pour diminuer de l’ardeur de l’Emir, l’obligeant à entamer des discussions sur son départ (un appui au message du khalifa Bensalem). Dans ce cas, qu’elle a été la position de la mère, la personne la plus proche de l’Emir ?
    Au même titre que le khalifa Bensalem, l’Emir n’a pas condamné  ses deux frères. Au contraire, ces deux derniers ont pris place avec lui dans le même navire, et ont vécu en parfaite harmonie avec l’Emir au niveau des différents lieux de détention (Lamalgue, Pau et Amboise) en terre de France.
    Concernant le maréchal Bugeaud, l’artisan de la reddition de l’Emir, s’agit-il d’une démission (à quelques mois de la reddition de l’Emir), ou d’une mise à la retraite forcée ? Le maréchal qui a honoré  ses engagements vis-à-vis du khalifa Bensalem, a été remplacé par le fils du roi, le duc d’Aumale. J’insiste sur ce point, car si le Duc d’Aumale a approuvé  les engagements pris par le général Lamoricière, il a précisé à l’Emir  que  l’avis du roi et de son gouvernement demeuraient prépondérants. Peut-être que le prince voulait insinuer à l’Emir, que Bugeaud avait à faire à un lieutenant (utilisé comme appât), et non pas à un chef militaire et homme d’état, où les approches ne sont pas du tout les mêmes.
    Enfin,  quel a été le rôle du lieutenant Boukhouia, chef de camp du général Lamoricière, ce jour du 21 décembre 1847 ? Peut-être que cet officier arabe, envoyé semble-t-il par le général à la tête d’un groupe de spahis pour empêcher l’Emir à gagner le désert(si comme 20 spahis pouvaient barrer la route à l’Emir, ses khalifa et khayalas !!), a réussit à convaincre l’Emir de la disponibilité de Lamoricière à accepter ses conditions de reddition. Trop de zones d’ombre dans la reddition de l’Emir Abdelkader.  Je termine mon exposé, en posant la dernière question : Est-ce que l’Emir, à travers son autobiographie a relaté fidèlement les faits qui se sont produits la journée du 21 décembre 1847 ?

    20 Aout 55, les blessures sont encore béantes

      Propos sur le 20 Aout 1955 à Philippeville/Skikda  Tout a commencé par une publication de Fadhela Morsly, dont le père était à l’époqu...